Dans une tonalité mêlant poésie
et critique toute en finesse, le film distille une évocation
très juste de l’Amérique dans ce qu’elle a,
à la fois de typique et de médiocre : ses
cheerleaders, ses drugstores, ses fast-food, ses vieux
disques. Une culture qui ne fait plus rêver aujourd’hui,
mais qui joue sur ses acquis, dont il ne reste que quelques
débris épars : l’image leitmotiv d’un vieil
homme assis sur un banc, espérant un bus qui n’existe
plus, en est l’illustration.
Les moqueries incessantes et les railleries
de deux jeunes filles, nous rappellent, avec soulagement,
qu’il y a encore des gens qui n’adhèrent pas à
tout ce qui leur est proposé (ou imposé, le
résultat étant le même). Telle une fatalité,
il semblerait que le monde se divise en deux catégories :
les –in et les –out, un peu à la manière
d’un Donnie Darko. Refuser de se (dé)vouer corps
et âme à la nation équivaut à s’en
exclure, à s’octroyer le statut d’outsider, comme si
aucun compromis n’était possible. A cet égard,
le personnage interprété par Steve Buscemi (Reservoir
dogs, Fargo, The big Lebowski..) est à la fois
attendrissant et infiniment triste.
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L’attitude hyper-critique d’Enid n’est pas
pour autant encensée, le réalisateur en explore
les limites : vouloir être à tout prix différente,
n’est-ce pas , en fin de compte,être totalement conventionnelle,
dans la mesure où il ne s’agit que d’imiter une mode,
un courant (ici : le punk). A vouloir être au dessus
de tout on finit, premièrement, par agacer et perdre
toute crédibilité, et deuxièmement, par
en ignorer les raisons : ainsi se retrouve t-elle, esseulée
et perplexe, submergée par un sentiment d’injustice.
La notion de justice, toute relative, est quant à elle
révélatrice de la perte du sens.
Ne nous méprenons pas, Ghost World
est un film indépendant, ce qui n’équivaut pas
à réactionnaire, anti-américain, ou nostalgique :
il met en place une réflexion qui, tout en se distanciant
de la réalité, l’assimile, comme moteur du film.
Terry Zwigoff se demande, avec humour, comment s’en sortir,
aujourd’hui, sans adhérer à cette société
de crétinisation. Souffrant, comme bon nombre de premières
fiction, de n’être pas assez abouti, le film profite
du fait que le réalisateur ait commencé par
faire des documentaires, ce qui l’aide à mêler
savamment fiction et réalité.
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Titre : Ghost World
Réalisateur :
Terry Zwigoff
Scénario : Daniel
Clowes, Terry Zwigoff
Basé sur la bande dessinée
de : Daniel Clowes
Photographie : Affonso
Beato
Acteurs : Thora Birch,
Scarlett Johansson, Steve Buscemi, Brad Renfro,
Illeana Douglas, Bob Balaban, Teri Garr, Stacey
Travis, Ashley Peldon, Sid Hillman, Daniel Graves
Musique : David Kitay
Production Studio :
Screm Gems
Producteurs : Lianne
Halfon, John Malkovich et Russell Smith
Festival : en compétition
à Deauvillle 2001 (Prix du jury et prix
d’interprétation)
Distribution : Bac Distribution
Sortie France : 05 juin
2002
Durée : 1h 55
mn
Pays : Etats-Unis
Année : 2001
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