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  Dani Kouyaté (c) D.R.

Chassée du palais impérial, Sia se retrouve sans transition dans la scène suivante au beau milieu de la circulation automobile d'une capitale africaine moderne. Vêtue de loques, comme une clocharde, elle crie à la cantonade les mises en garde qui étaient lancées dans la première scène du film (la boucle est bouclée) par le fou de son village : " Réveillez-vous! Le sommeil ne fonctionne pas! "

" J’ai voulu utiliser cette histoire pour faire réfléchir. Cette dernière image est très importante pour moi parce que je ne me situe pas dans le temps ou dans l’espace. Je veux montrer que l’histoire se répète ", a dit le réalisateur au public parisien lors de la sortie du film en salles.

En 1995, Kouyaté avait déjà relaté dans Keïta, l’héritage du griot l’histoire de Soundjata Keïta, le fondateur de l’empire mandingue. Il y faisait l’apologie du griot, considéré comme une " bibliothèque vivante " de la communauté africaine, gardien de ses valeurs et de sa mémoire collective. Sept ans après, le cinéaste mène sa réflexion politique un peu plus loin en soulignant le "totalitarisme " de certaines légendes qui ont causé des dégâts considérables dans la conscience collective africaine.

Sia, le rêve du python (c) D.R.
" Le film dit : il faut cesser d’être fataliste, il faut revisiter ces mythes pour changer les mentalités. Si je dénonce les dieux qui mangent leurs enfants, je dénonce aussi dans ce film les griots qui trahissent leur société ".

Lui-même issu d’une famille de griots, Kouyaté porte le flambeau d’une tradition en perte de vitesse dans un monde globalisé et informatisé où l’image a supplanté la parole comme moyen de communication privilégié.

" Le cinéma est un instrument qui peut sauver les griots, qui n’ont pas accès aux nouvelles formes de communication. Ce sont des artisans de la parole, mais la parole se vend très mal de nos jours, surtout quand on veut dire la vérité ".

Kouyaté en tout cas n’est pas de ces griots qui sont prêts à embellir leurs propos pour mieux les vendre aux puissants de ce monde. Malgré la demande existant pour les films africains qui décrivent une réalité urbaine, il préfère l’art de la parabole et de la métaphore via des contes anciens, et ne se plie pas aux visées commerciales de ses partenaires potentiels. Lorsqu’un producteur associé au Fonds sud (qui a financé le film de six millions de francs français) a opposé son veto au scénario de Kouyaté, le jugeant trop traditionnel, ce dernier l’a envoyé paître.

  Sia, le rêve du python (c) D.R.
" Moi je suis un auteur, pas un commerçant ni un historien. Parfois on a tendance à écrire pour plaire, parce que les gens critiquent le " cinéma calebasse " et demandent à voir autre chose que des cases traditionnelles et des chèvres", dit Kouyaté, qui refuse du même souffle de se laisser cantonner dans le film ethnographique.

" Moi j’ai attendu deux ans pour faire mon projet, mais j’y suis resté fidèle. C’est un film que j’ai vomi. Mon seul plaisir est de vomir ce que j’ai envie de vomir, sans compromission . "