Puisque Noé cite
Requiem for a dream dans ses films de référence
et qu’il tente d’en reproduire certains effets, la comparaison
entre les deux œuvres semble judicieuse. Malheureusement pour
le film français, celle-ci s’avère à
son désavantage. Placé d’office dans la catégorie
des films dérangeants, Irréversible ne
bouleverse pas grand chose. Alors que Noé tenait entre
ses doigts habiles (ce réalisateur a du talent, c’est
évident !) un sujet fort et un grand film potentiel,
il n’a pas su aller au bout de la logique de son récit.
A la fin du film, la première
sensation est une impression d’inachevé. Noé
ne développe pas suffisamment ses personnages pour
que leur destin, que l’on s’est pris en pleine face dès
la première minute, nous touche réellement.
Au début du film, il est difficile d’être entraîné
dans le sillage de deux vengeurs hyper-violents. Alors, la
pellicule défile sans que le spectateur puisse s’émouvoir
du sort de ces anti-héros, créant ainsi un ennui
certain.
Avec les scènes
plus calmes, c’est-à-dire comportant un peu plus de
dialogue, le trio principal prend forme, prend corps, dépassant
leurs statuts primaires de silhouettes désincarnées.
Mais Noé en reste malheureusement au stade de l’ébauche.
Alors que le réalisateur franco-argentin insiste fortement
sur les épisodes violents, les passages moins agités
sont au final très courts. D’où une certaine
déception du spectateur exigeant. C’est d’autant plus
frustrant que les scènes en question sont remarquables.
La discussion dans le métro est incroyable de naturel,
un véritable moment de cinéma. Le dialogue amoureux
entre Monica Bellucci et Vincent Cassel est lui aussi magnifique.
Qui osera dire que la chair est forcément faible au
cinéma ?
Fasciné par le trash
et le glauque, Noé passe à côté
de son sujet. La fameuse scène de viol, qui a tant
scandalisé, aurait pu trouver sa place dans un traitement
plus complexe du sujet. Les quinze minutes de viol sont trop
longues à la base, mais sur une durée d’une
heure quarante elles ressortent encore plus, comme si c’était
le grand moment du film. Ce qui est loin d’être le cas.
Pour résumer, Irréversible
n’est pas un grand film. Il possède de grandes qualités,
surtout un trio d’acteurs ( Cassel – Dupontel - Bellucci )
vraiment remarquable, mais elles sont noyées sous de
gros défauts. L’absence de message fort est surtout
frappante. Sur ce plan-là, Requiem for a dream
faisait mouche, faisait mal. Irréversible ne fait
pas grand chose, voire rien du tout.
Ah si ! D’un certain
point de vue, ce film procure une sensation. Une sensation
d’effroi post-critique. La réaction de la presse ou
de certains festivaliers cannois fait froid dans le dos. Dans
une société médiatique où les
stars du porno squattent les plateaux télés
et les ondes radio, crier au loup pour une scène de
viol certes, mais de cinéma pur sans lien avec la réalité,
tient de la schizophrénie. Dans les sex-shops, le viol
est une rubrique, comme le serait la comédie dans un
magasin vidéos classique, tout cela dans l’indifférence
générale.
Les plumes outragés
devraient s’agiter pour des horreurs bien plus profondes,
bien plus réelles, et ne pas faire ainsi la publicité
d’un film moyen sur lequel ils ont finalement fait beaucoup
de bruit pour rien.
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Titre :
Irréversible
Réalisateur
: Gaspard Noé
Scénariste :
Gaspar Noé
Directeur de la photographie
: Benoît Debie
Acteurs :
V. Cassel, M. Bellucci, A. Dupontel, P. Nahon
Costumes :
Laure Culkovic
Chef décorateur :
Alain Juteau
Production
: Nord-Ouest Productions
Producteur :
Richard Grandpierre
Coproducteur :
Christophe Rossignon
Festival :
Cannes 2002 – Sélection officielle en compétition
Distribution
: Mars Films
Interdiction :
- 16 ans
Sortie France
: 24 mai 2002
Pays :
France
Année :
2002
Durée
: 1h 39
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