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Memento Mori (c) D.R. MEMENTO MORI
de Kim Tae-young et Min Kyu-dong
Par Nicolas JOURNET


SYNOPSIS : Alors qu’elle court à l’école, Min-ah trouve un journal intime. Lorsqu’elle l’ouvre, elle est victime d’étranges hallucinations. Intriguée par le journal, Min-ah feint un malaise et profite de se retrouver à l’infirmerie du collège pour se plonger dans le journal intime. Là, elle est le témoin involontaire d’une étreinte amoureuse entre Hyo-shin et sa petite amie Shi-eun, les rédactrices du fameux journal. A partir de ce moment, d'étranges événements vont peu à peu bouleverser la vie de Minh-ah. La journée des jeunes filles au collège est à moitié terminée et les étudiantes sont traumatisées à l’idée de passer leur examen de santé annuel. Soudain, leurs enfantillages sont interrompus par un cri qui annonce la mort de Hyo-shin. Alors que différentes rumeurs entourent cette mort suspecte, Min-ah continue à suivre les indices laissés entre les lignes du journal. Et, comme l’incantation " Memento Mori " le suggère, elle a la sensation qu’une entité fantomatique s’infiltre dans chaque coin du collège.

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LA VANITE DES MOTS

  Memento Mori (c) D.R.
Kim Tae-Yong et Min Kyu-dong sont un peu flamands dans l’âme. Avec Memento mori, leur premier long métrage, les deux réalisateurs coréens ressuscitent une démarche artistique que les peintres du plat pays qui n’est pas le leur ont porté au pinacle en pleine Renaissance. Au cours de cette période, et plus précisément tout au long du XVème siècle, l’art pictural fut bouleversé par l’arrivée d’une nouvelle catégorie de tableaux, les vanités. Alors que la mode du moment était plutôt à la représentation de scènes religieuses et à la mise en valeur des valeurs positives et optimistes (pardon, partage, paradis…etc) défendues par le catholicisme, des peintres protestants d’origine flamande vont s’opposer à la déjà très présente " pensée unique ".

Ils décident d’aborder dans leurs oeuvres le thème du temps qui passe, de la mort qui guette. Dans des compositions aux couleurs très sombres, les peintres en question vont rassembler des objets marqués par une morbidité certaine et une temporalité forte, comme une clepsydre ou un crâne humain. Au milieu de ces objets hétéroclites variant suivant les artistes et les tableaux, se trouve la plupart du temps un élément faisant référence à l’écriture, que ce soient une plume, un écritoire ou un parchemin. Allant au bout de cette logique de mise en scène des mots, un peintre comme Dürer inscrira au bas d’une de ses œuvres une devise latine : Memento mori , " Souviens-toi de la mort " en version française, formule en forme d’avertissement qu’a parfaitement intégrée Hyo-shin, l’héroïne du film de Kim Tae-Yong et de Min Kyu-Dong.

Memento Mori (c) D.R.
Elève d’un collège japonais comme il y en a beaucoup d’autres, avec nunuches en jupettes mais sans boutonneux en uniformes, car réservé exclusivement aux demoiselles, elle va se lier à Shi-eun, une autre collégienne. Leur relation devient très vite ambiguë, se rapprochant plus de l’attirance charnelle que de l‘amitié platonique. Hyo-Shin a l’idée de traduire leur association sensuelle par la rédaction d’un journal intime, défouloir psychotrope des adolescentes du monde entier, dont elles rempliront les pages l’une après l’autre, dans une sorte de jeu littéraire et amoureux.

Ce principe de l’écriture alternée rappelle le système du cadavre exquis mis au point par les surréalistes. D’autres références à ce mouvement artistique marquent la conception du journal intime. Les pliages, les dispositions des phrases en cercles concentriques, la juxtaposition de lettres aux polices différentes évoquent le style des surréalistes. Mais la force des réalisateurs est d’avoir associé à ses références littéraires une touche profondément adolescente. Les dessins qui accompagnent les textes sont très enfantins, les couleurs utilisées sont souvent fluorescentes. Le mélange final montre de manière très fine le malaise adolescent, d’un âge où la maturité affleure, mais où l’enfance persiste.