Memento mori
est en fait tout entier hanté par le fantôme
de l’écriture. La relation entre les deux jeunes filles
nous est contée par le biais d’une troisième
adolescente, Min-ah, qui va découvrir par hasard le
fameux journal abandonné sur un mur. A chaque phase
de lecture de Min-ah va correspondre une série de flash-back,
comme autant de chapitres, décrivant les différentes
phases de la relation amoureuse. Le rôle de Min-ah est
donc profondément littéraire. Elle occupe la
place du narrateur, de ce personnage très apprécié
des romanciers, qui bien qu’extérieur à l’action
sert de guide au spectateur-lecteur.
Les mots sont donc au
cœur du récit, mais ils y jouent une partition trouble,
ils résonnent comme des instruments de mort. Hyo-shin
croit en la force de l’écrit, en son pouvoir mortel.
Reprenant à son compte l’esprit des vanités,
elle choisit Memento Mori pour titrer le
recueil amoureux. C’est en effet dans ces deux mots qu’est
résumée toute la dramaturgie du film. Préparant
depuis longtemps son suicide, Hyo-shin met en garde sa tendre
amie dans l’une des pages du journal : un jour de pluie,
Shi-eun devra avaler l’une des pilules de poison que le cahier
renferme dans sa tranche, elle la rejoindra ainsi dans la
mort affirmant aux yeux du monde la puissance de leur amour.
Shi-eun doit se souvenir de la mort, le journal est là
pour le lui rappeler.
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Mais les circonstances et
les réticences de l’amante survivante vont empêcher
ses volontés de se réaliser. Le virage fantastique
qu’amorce alors le film pour traduire la colère de
l’amoureuse trahie est un peu trop serré pour être
réellement crédible. Les têtes ensanglantées
dans les casiers, les portes qui se bloquent mystérieusement
et la tuyauterie émettant des bruits inquiétants
ne sont pas au niveau de la mécanique de précision
psychologique de la première heure du film. Les deux
réalisateurs exagèrent même un peu en
prenant des vues de robinets à la David Fincher, qui
font très classe dans les films du créateur
de Fight Club mais paraissent ici assez superflus.
Malgré ces petits
ratés, la première partie de Memento mori
reste inoubliable. Le traitement, proche du documentaire,
du désespoir de la jeunesse coréenne, des tabous
liés à l’homosexualité est en tout point
remarquable. Le film interpelle, renvoie à notre propre
intolérance, nos propres préjugés, nos
propres silences. Que penser en effet d’une société
où l’un de ces collèges compte pas moins de
six suicides dans une période de trois ans !
Mais c’est la mise en image
de ce qui touche à l’écriture, à la lecture,
aux mots en général qui fait de ce film une
réussite. Il est rare et difficile d’aborder le thème
de la littérature au cinéma, mais Kim Tae-Yong
et Min Kyu-dong y parviennent parfaitement. Là où
les peintres des vanités présentaient la puissance
des mots sous forme de tableaux, les deux réalisateurs
coréens le font sous forme d’images. Le support est
différent, mais le propos reste le même. A la
fois inquiétant et fascinant.
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Titre original : Memento Mori
Réalisateurs
: Kim Tae-Yong & Min Kyu-Dong
Acteurs : Park Ye-Jin,
Lee Young-Jin, Kim Min-Sun, Kim Min-sun, Park
Yeh-jin, Kim Min-hee, Gong Hyo-jin, Paik Jong-hak
Scénaristes :
Kim Tae-yong & Min Kyu-dong
Photographie : Kim Yoon-soo
Montage : Kim Sang-bum
Son : Ryu Dae-hyun
Musique : Cho Sung-woo
Festival : Rencontres
Internationales du Cinéma (2000), Festival
de films Gays et Lesbiens (2000), Festival du
film de Slamdance (Prix de la meilleure photographie)
Production : Cine
2000
Distribution : Ad Vitam
Sortie France : 08 Mai
2002
Pays : Corée
du sud
Durée : 1h 37mn
Année :
1999
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