SYNOPSIS :
Bienvenue dans une famille japonaise un peu particulière,
où le père voit sa carrière à la
télévision en chute libre depuis qu'il s'est fait
violer dans la rue, où sa propre fille, prostituée,
n'a trouvé rien de mieux à faire que de lui offrir
ses charmes ("simple curiosité" !), et où la mère
se défonce à l'héroïne, quand elle
ne se fait pas frapper par son fils, lui-même humilié
par ses camarades d'école. C'est alors qu'arrive Q, qui
pour faire connaissance, fracasse le crâne du père
avec un caillou énorme, avant de l'aider à rentrer
chez lui. Il en profitera pour s'incruster dans la maisonnée… |
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POINT DE VUE
L’auteurisation instantanée
(comme les soupes) d’un cinéaste pose toujours problème.
Le cas de Takashi Miike est exemplaire, puisqu'à l’exception
de Audition et de ce Visitor Q annoncé,
rien ou presque du travail de ce cinéaste n’est sorti
des festivals ou des réseaux de collectionneurs et
de passionnés ; et cependant un consensus sur
son excellence a déjà été prononcé
quasi-unanimement. Cette dérive auteuriste, devenu
argument publicitaire, cependant, touche juste. C’est à
l’occasion d’une avant-première en clôture du
festival Extrême Cinéma de Toulouse qu’il fut
permis de découvrir ce film déjà culte
qu’est Visitor Q.
Visitor Q appartient
à une série de films à petit budget réalisé
en DV entre octobre 2000 et mars 2001, " Love Cinéma ",
où l’amour et ses avatars. Cependant c’est comme œuvre
à part entière qu’il sera présenté
au public français (en attendant le reste de la série ?).
Le film de Miike prend au mot la proposition de Théorème :
son récit se résume à sa formule. Un
" visiteur " s’invite dans une famille,
et va nonchalamment faire office d’opérateur de changement.
La cellule familiale en question est totalement désintégrée,
déchirée de l’intérieur : le père
journaliste, se débat dans une spirale sensationnaliste
où la recherche du " scoop " baveux
le mène aux pires extrémités, le fils
est battu par ses camarades de classe, et donc bat sa mère en
retour, dans une illustration pour le moins violente des rapports
filiaux ; la mère et la fille en outre se prostituent.
La première pour se payer ses doses d’héroïne
- tant pour supporter la brutalité de son fils que
pour jouir un peu, même d’un orgasme chimique. La seconde,
pour l’argent, rien que l’argent. À la différence
du film de Pasolini, d’une dissolution initiale de la cellule
familiale, le film converge vers une re-installation de la
" sacro-sainte " famille (si l’expression
a un sens dans la culture japonaise). Visitor Q part
du tabou le plus extrême, pour se clore sur l’union
familiale retrouvée.
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Avec ses chemises bariolées
et ses pantalons de cuir, le visiteur s’offre comme hétérogène
non seulement à la famille, mais à l’esthétique
même du film. Introduit dans le film comme agresseur,
il semble sortir d’un film de yakusa, d’un univers où
la violence fait loi. C’est son indifférence à
la violence qui permet au spectateur de se détacher
du sentiment d’horreur qu’inspire la brutalité qui
règne dans la famille. Ce qui la ronge, c’est la frustration ;
le Visiteur, affranchi de toute inhibition, s’offre dès
lors comme contrepoint aux situations extrêmes. En lui
se fonde le projet de Visitor Q : offrir l’immaturité
revendiquée comme alternative à la violence
refoulée du modèle social japonais. Et devant
une mère souriante de sa fécondité retrouvée,
tirant du lait de sa poitrine sans discontinuer jusqu’à
en inonder le sol, comme bloqué dans une masturbation
infinie, le Visiteur, lui…s’abrite sous un parapluie. Où
quand le burlesque s’accouple à la " boucle "
pornographique.
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