Love Cinema ou l'ère de la DV :
Visitor Q s'inscrit dans le cadre d'un
projet de films tourné en Digital Vidéo
autour de l'amour, Love Cinema, initié
par la compagnie CineRocket. En tout six films
ont été tourné, par six
réalisateurs du cinéma japonais
- Takashi Miike étant le plus connu du
lot. Entre octobre 2000 et mars 2001, un film
de la série sortait chaque mois sur les
écrans nippons.
Alors
qu'en Occident, les Digital Video Camera (appelés
plus communément DV) ne sont que très
rarement utilisés pour des films destinés
au grand écran (La Vierge des Tueurs
en est l'un des rares exemples), le Japon,
toujours à la pointe de la technologie,
utilise déjà communément
cet outil pour les longs métrages cinéma
(Love and Pop et Ritual de Hideaki
Anno… ), ainsi que les nombreux films destinés
directement au marché de la vidéo,
les Original Videos (ce qui n'est pas, au
contraire de la France, une décharge
mais le véritable ferment des réalisateurs
de demain - Kiyoshi Kurosawa, Takashi Miike
et de nombreux autres ont commencé
- et continue encore - par là).
Il
est indéniable que le film de Takashi
Miike est le plus politiquement incorrect
et le plus anachronique du lot. Après
tout, peu de réalisateurs à
qui l'on donnerait pour sujet l'amour ferait
un film qui tourne autour du meurtre, de l'inceste
et de la nécrophilie ! Néanmoins
Visitor Q est aussi le film le plus
rafraîchissant et le plus dynamique
du lot. Même Ryuchi Hiroki, qui, au
début des années 80 avait lancé
avec deux collègues une vague de films
érotiques particulièrement sadiques,
accouche d'un film relativement convenu sans
le moindre excès. Miike est décidément
l'homme qui s'aventure là ou personne
n'ose aller.
Les
six films de la série Love Cinema :
Tokyo Trash Baby, réalisé
par Ryuchi Hiroki, Amen, Somen and Rugger
Men, réalisé par Mitsuhiro
Mihara, Enclosed Pain, réalisé
par Isao Yukisada, Stake Out, réalisé
par Tetsuo Shinohara, Gips, réalisé
par Akihiko Shiota, Visitor Q, réalisé
par Takashi Miike.
Le
réalisateur :
Takashi Miike est probablement le réalisateur
phare des années 90 au Japon. A la
différence d'un Takeshi Kitano qui
a dû attendre d'être reconnu à
l'étranger avant d'obtenir un succès
local, Miike a littéralement explosé
en 1995 avec son premier film cinéma
Shinjuku Kuroshakai (Les Affranchis
de Shinjuku). Proclamé " grande découverte
de l'année " par la très respectueuse
Association Japonaise des Producteurs de Films,
Miike n'a depuis lors pas arrêté
de créer l'événement
à chaque nouvelle sortie d'un de ses
films. Car Miike est un réalisateur
très prolifique. Plus que prolifique
même, c'est un véritable Stakhanoviste
de la pellicule qui a tourné en une
décennie une vingtaine de longs métrages
cinéma, une trentaine de films destinés
au marché vidéo, et une bonne
vingtaine d'épisodes de séries
télé ! Et le plus incroyable
reste que tous ses films cinéma ont
été acclamés, aussi bien
par la critique que par le public. Un succès,
une productivité et un talent qui a
de quoi faire rêver nombre de réalisateurs…
Travaillant dans les genres les plus variés
et passant allègrement du gros au petit
budget, Miike est un touche à tout
qui n'a peur de rien… à part de se
retrouver un jour sans caméra. Il s'est
illustré tout aussi bien dans le film
de yakuzas (Dead or Alive, Rainy Dog),
la science fiction (Andromedia, Full Metall
Gokudo), le polar (The Guys From Paradise),
que la satire sociale (Salaryman Kintaro),
le film contemplatif (Bird People From
China) ou encore la comédie musicale
(The Happiness of the Katakuris)… Sans
parler de films inclassables tels Audition,
Fudoh ou encore Visitor Q.
Même
si son œuvre est des plus variée, certaines
caractéristiques marquent cependant
tous ses films : la volonté de surprendre
constamment le public, la violence, la poésie
et un désir farouche d'aller au bout
de la notion même de cinéma.
Comme Miike le dit lui même, le cinéma
ne peut pas refléter la réalité.
Constations évidente s'il en est, mais
qui n'empêche cependant nullement nombre
de réalisateurs à essayer de
dépeindre la réalité
(Rohmer en tête). Miike au contraire,
tord, distord, et corrompt toutes notions
de réel, d'irréel, de réalité
et de fictions dans ses films. Tout est possible
dans l'univers de Miike. Comme de voir des
ailes poussées à deux tueurs
à gage qui décident que le meurtre
leur servira dorénavant à collecter
de l'argent qu'ils enverront aux enfants du
tiers-monde (Dead or Alive 2), ou encore
voir une mère de famille qui inonde
sa cuisine en faisant sortir du lait de ses
seins (Visitor Q). Miike casse souvent
la continuité logique ou du moins linéaire
de ses films pour partir dans des "digressions"
purement surréalistes.
Le
directeur de la photographie :
Yamamoto Hideo est né en 1960 à
Gifu Préfecture au Japon. Après
être sorti diplômé de l'Academy
of Broadcasting and Film de Yokohama (d'où
est aussi issu Miike), Yamamoto se lance dans
une carrière de directeur de la photographie
freelance pour divers grands studios de cinéma
et séries télé. Yamamoto
devient rapidement le cinématographe
attitré de Miike avec lequel il a travaillé
sur une dizaine de films, dont notamment Audition.
Il a été remarqué internationalement
pour le magnifique travail qu'il a effectué
sur Hana Bi de Takeshi Kitano. Autre
œuvre phare sur laquelle il a travaillé,
le second chapitre de la trilogie Ring,
la série qui a relancé le cinéma
de terreur au travers de toute l'Asie et qui
a révolutionné le fond et la
forme d'un genre quelque peu sclérosé.
Les
acteurs :
Kenichi Endo (le père) est un habitué
de Miike avec lequel il a travaillé
sur trois autres films (Dead or Alive 2:
Birds, The Guys from Paradise, Family)
. On a déjà pu le voir en France
dans le Violent Vop de Takeshi Kitano.
Shungiku Uchida (la mère) est
l'une des figures les plus importantes du
mangas "underground" au Japon. Elle est l'auteur
d'une quinzaine de séries, qui sont
parus aussi bien dans des revues érotiques,
des magazines féminins ou encore musicaux.
Elle a par ailleurs écrit plusieurs
romans, dont une autobiographie, Father
Fucker, où elle raconte les viols
répétés qu'elle a subit
de son beau-père durant son adolescence.
Shungiku Uchida a aussi joué dans plusieurs
séries télé et films,
aussi bien cinéma que destinés
au marché vidéo. Elle a par
ailleurs réalisé et écrit
Yami no manimani, tiré de l'un
de ses mangas. Quand à Kazushi Watanabe
(le visiteur), il est réalisateur
d'un long métrage très kitanesque,
19, dans lequel il jouait. C'est alors
que Miike et Watanabe présentaient
tous les deux leur propre film durant le festival
de Toronto qu'ils se sont rencontrés
et que Miike a décidé de le
choisir pour le rôle titre.