POINT DE VUE
Le réalisateur Masaru Konuma est
considéré comme le maître du " roman-porno ",
genre différent du " Pink Movie "
en ce qu’il intègre des scènes de sexe non simulé.
Même s'il reste à l’heure actuelle un inconnu
en France, l’un de ses assistants est lui par contre parvenu
à une reconnaissance internationale : il s’agit
de Hideo Nakata, réalisateur des deux premiers Ring,
et qui rendit hommage à son mentor dans le documentaire
qu’il lui a consacré, Sadistic and Masochistic.
" Bien qu’étant obligatoire,
puisque c’est ça qui fait vendre le film, le sexe est
quand même soumis, dans une certaine mesure, au récit,
ce qui permet une certaine liberté d’action au réalisateur.
Alors que dans les pornos occidentaux, c’est le contraire.
L’histoire est inexistante " précise M. Konuma
à propos du Roman-Porno. On pourrait y ajouter la qualité
de l’interprétation, de la lumière, et surtout
de la mise en scène…`Comment, après avoir découvert
un tel cinéaste, les entreprises pour justifier théoriquement
le porno tel que l’on le connaît dans nos grises contrées
peuvent-elles encore trouver un sens ? Le débat
est ouvert.
Esclaves de la Souffrance
est en fait le deuxième volet d’une série de
films intitulés " Women in a Box ",
et produite par la Nikkatsu, compagnie célèbre
pour ses films de yakusa dans les 50s- et ses roman-porno
dans les 70s. Lors de la discussion suivant la projection,
c’est dans la stupeur générale que Konuma apprit
à son public français que la Nikkatsu produisait
deux films de ce genre par semaine ; soit au final un
bon millier, auquel Konuma participa de près ou de
loin à 47 d’entre eux.
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Sadisme et masochisme, on le sait, sont
les deux facettes d’un même désir. C’est sur
ce postulat que repose le film. Mais à partir d’un
scénario aussi grotesque qu’obscène dans sa
recherche d’un happy end, Konuma réalise le tour de
force d’offrir à nos regards stupéfaits des
séquences incandescentes de sadisme, mais aussi une
réflexion lucide et amusée sur les méandres
du désir. Que le bourreau soit un être brisé,
soit, c’est une convention unanime que de justifier le mal
par la souffrance. Mais Konuma sait distiller dans le fantasme
de toute-puissance masculine, sur lequel s’appuie le genre
tout entier, une grande ambiguïté sur la question
de savoir qui, en dernier recours, est le jouet de l’autre.
En effet, à l’exception de quelques séquences
remarquables dans leur inventivité fantasmatique, Esclave
de la Souffrance évoque plus le travail d’un Russ
Meyer que celui des incontournables Edogawa Ranpo ou Tanizaki
(fondateurs par leurs écrits d'une esthétique
de " l’adoration du bourreau ") :
il ne s’agit pas tant de surenchérir dans le " bizarre ",
par des mises en scène aussi graphiques qu’élaborées
autour du corps féminin pris comme objet, que de composer
un tableau pittoresque de la versatilité du désir
masculin. Esclaves de la Souffrance, l’un des derniers
films de Masaru Konuma, impose à son spectateur l’attention
totale dont savent s’assurer les œuvres parfaites.
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Titre : Esclaves de la Souffrance
Titre VO : Hako no
naka no onna II
Titre US : A
Woman in the Box - Virgin Sacrifice
Pays : Japon - 1988
Réalisateur :
Masaru Konuma
Scénariste :
Gaira
Photo : Endou Masashi(II)
Acteurs : Shibori Nagazaka,
Miyuki Kawamura, Mami Ogawa, Natsumi Asai, Sai
Reiko, Tamura Hiroshi, Kizuki Saeko, Kusanagi
Koujirou, Mikami Gousen, Obara Takashi
Producteurs : Hanzawa
Hiroshi, Ueki Minoru
Année :
1985
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