Après la forme romanesque de la chronique (Adresse Inconnue), Kim Ki-Duk réalise avec Real Fiction un film de transition, une expérience cinématographique s’offrant comme réflexion sur la notion de tournage. Véritable pari technique, Real Fiction recherche la plus courte distance possible entre temporalité réelle et filmique ; mais pourtant, le film s’offre paradoxalement comme le plus onirique de son auteur. Le caractère programmatique du film (le parcours du personnage est d’emblée balisé lors de sa rencontre avec l’acteur-déclencheur) semble avoir eu sur Kim Ki-duk un effet libérateur, le détachant des contraintes de cohérences narratives. Filmé quasiment en temps réel dans une esthétique réaliste (décor réel, plan-séquence) mais sans singer le reportage (l’image est au contraire posée, anodine sans laideur), la trajectoire de I. est l’expression d’une pulsion de haine désinhibée, sans pitié, sans émotion. Peu importe que le climat soit plus à la promenade et à l’amour, I. continue ce qu’il a décidé, jusqu’au bout, au mépris des conséquences et surtout de la vitalité qu’il ne voit plus autour de lui.