Sans concessions, il obtient
le financement auprès de producteurs courageux (John
Wells et Christine Vachon, déjà productrice
de Boys don’t cry). Les bonnes nouvelles n’arrivant
jamais seules, ils convainquent une grande star désirant
un rôle à contre-emploi dans une petite production
de sacrifier son cachet pour y participer.
Sélectionné
dans de nombreux festivals, le film fut précédé
d’un excellent écho critique et poursuit une carrière
honorable aux USA.
Si, en apparence, le film
ne se différencie pas vraiment du reste de la production
actuelle, on peut néanmoins y voir la naissance d’un
auteur prometteur et exigeant, qui pourrait bien devenir le
Stanley Kubrick du 21ème siècle,
tant son style excelle dans l’art et la manière de
concilier le psychologique et le visuel.
Ce qui fascine dans Photo
Obsession, c’est la faculté du réalisateur
à instaurer un climat oppressant et profondément
dérangeant, sans avoir recours à la facilité.
Jamais le personnage de Robin Williams ne passera à
l’acte du meurtre ni ne sera " rationalisé ",
un procédé qui le rangerait dans le panthéon
déjà trop fourni des tueurs maniaques au cinéma.
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Non, Sy Parrish, n’a pas
une attitude extrême, il est pareil à n’importe
quel maniaco-dépressif issu d’un bouquin de Michel
Houellebecq. La génération des solitaires désespérés
engendrés par une société à la
dérive. Bien entendu, Mark Romanek ne s’appesantit
pas sur des considérations sociales qui eurent été
mal à propos. Il reste dans le domaine du psychologique
et nous entraîne dans un esprit malade mais dont l’écho
résonne en chacun de nous. Là où le talent
de l’auteur permet de faire passer le film à l’étape
supérieure, c’est que ce n’est pas seulement la justesse
du propos et la finesse de l’intrigue qui sont réussis,
c’est qu’il crée un univers visuel totalement cohérent,
en adéquation avec le personnage, avec un sens du détail
extrêmement poussé. Chaque élément
du film semble avoir été étudié
avec soin : des décors fascinants de banalité
(le cadre même du supermarché), à la lumière,
dérangeante de sobriété, aux couleurs
qui donnent à s’affronter les dominantes de bleu et
de rouge, symbolisant l’esprit photo-analytique du personnage.
Ainsi le plan où
des jets de sang sortent des orbites de Robin Williams est
à mettre en rapport avec celui de Bedtime Story
où les yeux de Madonna sont remplacés par sa
bouche. Le regard est souvent employé comme un symbole
visuel fort dans l’œuvre de Mark Romanek, qu’il parle comme
dans Bedtime Story, ou qu’il meurt comme dans Photo
Obsession.
A travers cette manière
de présenter la photo de famille comme l’ultime illusion
d’un bonheur factice, Photo Obsession dresse un réquisitoire
subtil contre l’institution familiale. Tous ces clichés
vains et répétitifs, destinés uniquement
à se mettre en scène dans des moments de bonheur
forcés (vacances, anniversaires) sont les traces matérielles
d’un univers sécurisant destiné à protéger
les individus contre la cruauté de la vie.
Le couple, idéalisé
par Sy, est perçu par ce dernier comme un exemple de
bonheur parfait. Or, il est montré que les relations
des époux sont loin d’être idyllique. Le mari
trompe sa femme, il délaisse son fils, etc… Pourtant,
sur les photos, tout va toujours bien.
Le personnage de Sy est
l’exemple de ce que l’on devient lorsque l’on est privé
de ces remparts sécurisants que sont la maison et le
foyer familial. Sy remplace ce bonheur idéalisé
par un perfectionnisme clinique, le soin qu’il apporte à
ses photos, sa maniaquerie excessive, …
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