SYNOPSIS :
Anna Semionovna est russe, médecin
et juive dans une petite ville d’Ukraine devenue ghetto. Elle
écrit en 1941, " La dernière lettre "
d’amour à son fils qui vit loin du front, avant d’être
assassinée par les nazis… |
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VOYAGE AU CŒUR D’UNE MERE
Le réalisateur
Frédérick Wiseman, met en place un dispositif
esthétique qui nous place d’emblée, au cœur
de l’émotion d’une comédienne fusionnant totalement
avec son rôle, celui d’une mère aimante. Il nous
place aussi au cœur de la représentation, du sens même
de l’image…
" La dernière
lettre ", première fiction du
grand documentariste américain Frédérick
Wiseman, est la mise en espace, en scène, en lumière,
du chapitre 17 du livre " Vie et destin "
de Vassili Grossman.
Il s’agit là d’une
œuvre immense sur l’histoire russe, depuis la Révolution
jusqu’à la bataille de Stalingrad. Pour Wiseman, ce
roman " est l’un des plus grands livres du 20ème
siècle… ".
Le chapitre 17 en question
est donc une lettre, celle d’une mère à son
fils, la dernière lettre, qu’elle lui destine
avant d’être assassinée par les nazis, dans le
ghetto juif de Berditchev, en Ukraine, où elle est
enfermée.
La mère, Anna
Semionovna, est interprétée par Catherine
Samie, doyenne de La Comédie Française,
ce qui confère à la lettre dite, force et profondeur.
La comédienne est courageusement seule face à
l’œil de Wiseman qui la scrute, l’entoure, l’observe sans
répit.
La comédienne fut
d’abord seule sur les planches, au théâtre, puisque
" La dernière lettre " a été
jouée aux Etats-Unis, au Canada ainsi qu’en France,
à Paris, au Studio-Théâtre de la Comédie
Française, en 2001.
Ombre et silence.
Le film débute ainsi, par l’ombre silencieuse de la
comédienne qui représente avant tout, le fantôme
de cette mère et par extension, celui de tout un peuple
bientôt exterminé. Le noir et blanc, le jeu de
la lumière, de la surimpression, dessinent, projettent,
multiplient, fondent le corps de cette femme sur le mur, le
sol, tel une marionnette impuissante, tel le cadavre qu’elle
va devenir.
Le filmage, souvent serré,
sur les mains, le langage des mains qui frémissent,
sur le visage mouvant, émouvant d’Anna-Catherine,
nous place d’emblée dans une intimité,
belle et insoutenable à la fois. En effet, nous sommes
tous et chacun, LE fils, le destinataire unique de ces mots
d’amour et de mort, comme Anna peut incarner La Mère,
universelle.
Anna, étoile jaune
sur le cœur, forte et digne, confie sa vie passée,
aussi son étonnement présent vis à vis
de l’Homme dans ce contexte désespéré.
Elle réalise qu’Il est encore capable d’espoir mais
aussi de calcul et de cupidité. Malgré une issue
fatale certaine et proche, la Vie, même la plus mesquine,
reprend malgré tout le dessus, toujours.
Elle en rit même,
Anna, désespérément lucide, quand, racontant
les leçons qu’elle donne à un enfant, derrière
les barbelés, elle se voit corriger fermement les erreurs
de son petit élève. Elle s’entend dire aussi
à ce malade qu’elle soigne, qu’il va prochainement
guérir…
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