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la dernière Lettre (c) D.R. FESTIVAL DE CANNES 2002

LA DERNIERE LETTRE

de Frederick Wiseman
Par Lydie FERRAN


SYNOPSIS : Anna Semionovna est russe, médecin et juive dans une petite ville d’Ukraine devenue ghetto. Elle écrit en 1941, " La dernière lettre " d’amour à son fils qui vit loin du front, avant d’être assassinée par les nazis…

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VOYAGE AU CŒUR D’UNE MERE

Le réalisateur Frédérick Wiseman, met en place un dispositif esthétique qui nous place d’emblée, au cœur de l’émotion d’une comédienne fusionnant totalement avec son rôle, celui d’une mère aimante. Il nous place aussi au cœur de la représentation, du sens même de l’image…

  la dernière Lettre (c) D.R.
" La dernière lettre ", première fiction du grand documentariste américain Frédérick Wiseman, est la mise en espace, en scène, en lumière, du chapitre 17 du livre " Vie et destin " de Vassili Grossman.

Il s’agit là d’une œuvre immense sur l’histoire russe, depuis la Révolution jusqu’à la bataille de Stalingrad. Pour Wiseman, ce roman " est l’un des plus grands livres du 20ème siècle… ".

Le chapitre 17 en question est donc une lettre, celle d’une mère à son fils, la dernière lettre, qu’elle lui destine avant d’être assassinée par les nazis, dans le ghetto juif de Berditchev, en Ukraine, où elle est enfermée.

La mère, Anna Semionovna, est interprétée par Catherine Samie, doyenne de La Comédie Française, ce qui confère à la lettre dite, force et profondeur. La comédienne est courageusement seule face à l’œil de Wiseman qui la scrute, l’entoure, l’observe sans répit.

La comédienne fut d’abord seule sur les planches, au théâtre, puisque " La dernière lettre " a été jouée aux Etats-Unis, au Canada ainsi qu’en France, à Paris, au Studio-Théâtre de la Comédie Française, en 2001.

Ombre et silence. Le film débute ainsi, par l’ombre silencieuse de la comédienne qui représente avant tout, le fantôme de cette mère et par extension, celui de tout un peuple bientôt exterminé. Le noir et blanc, le jeu de la lumière, de la surimpression, dessinent, projettent, multiplient, fondent le corps de cette femme sur le mur, le sol, tel une marionnette impuissante, tel le cadavre qu’elle va devenir.

Le filmage, souvent serré, sur les mains, le langage des mains qui frémissent, sur le visage mouvant, émouvant d’Anna-Catherine, nous place d’emblée dans une intimité, belle et insoutenable à la fois. En effet, nous sommes tous et chacun, LE fils, le destinataire unique de ces mots d’amour et de mort, comme Anna peut incarner La Mère, universelle.

Anna, étoile jaune sur le cœur, forte et digne, confie sa vie passée, aussi son étonnement présent vis à vis de l’Homme dans ce contexte désespéré. Elle réalise qu’Il est encore capable d’espoir mais aussi de calcul et de cupidité. Malgré une issue fatale certaine et proche, la Vie, même la plus mesquine, reprend malgré tout le dessus, toujours.

Elle en rit même, Anna, désespérément lucide, quand, racontant les leçons qu’elle donne à un enfant, derrière les barbelés, elle se voit corriger fermement les erreurs de son petit élève. Elle s’entend dire aussi à ce malade qu’elle soigne, qu’il va prochainement guérir…