La réponse peut
se sentir dans l’atmosphère individualiste de la Villa
Médicis : chacun reste dans son coin, rien de
tel pour travailler correctement rétorquera-t-on, mais
comment l’inspiration se nourrit-elle alors ? Comment
l’esprit critique s’aiguise-t-il, si ce n’est au contact des
autres ? Bruce le comprend assez vite. Il essaiera de
faire le lien, ou de faire lien, plus simplement. Il se liera
avec la barmaid, il ira au devant de ce jeune homme atteint
du Sida, il interpellera la jeune new-yorkaise dans une allée
du jardin romain. Et surtout plongera dans l’intrigue que
lui offre Matteo, étrange personnage tout droit sorti
d’un roman de Oscar Wilde. D’ailleurs il écrit, ce
jeune homme, mais ne serait-il pas un peu trop sous l’influence
de sa plume, tout du moins s’il écrit vraiment...
Bruce, lui, va vivre une
histoire autant qu’il va en écrire. Va vivre avec une
incandescence teintée de naïveté, surtout
quand il commence à épier le héros de
ses fantasmes nouveaux. Caché dans les buissons de
son désir, il scrute, il écoute. Il est à
la fois témoin et victime de ses propres élans.
Témoin en surprenant des ébats sensuels (mais
pas amoureux), et victime par trahison (amoureuse ?).
Il y a du drame antique qui plane sur la Villa Médicis,
il y a du lyrisme non loin de ces soliloques sur le lit. Parlant
au silence attentif de sa chambre, Bruce construit la musique
de son amour, avec l’intonation de sa propre voix, en imaginant
en sourdine les réponses de son interlocuteur. Ce motif
narratif exalte la tendresse qui exulte dans la ténacité
effrontée du désir, qu’il soit sous une inclination
féminine, ou masculine. Un peu comme les poètes
élégiaques, comme Tibulle qui savait aimer les
femmes et les hommes, et qui lançaient de belles complaintes
à la porte de leur maîtresse, la nuit…. Etait-elle
assez proche pour les entendre ? Tout notre espoir se
fonde là. Si seulement Matteo venait aussi espionner
Bruce, et surprendre ses monologues… Ce sont certainement
les scènes les plus touchantes, car elles incarnent
à elles seules la force du désir, cette force
qui espère, face à la peur de n’être pas
exaucée. Car ce n’est pas le désir qui est exaucé,
c’est sa force, qui tremble dans toute sa vaillance. Et cette
force peut se retourner contre elle-même, en retournant
la situation comme un gant de velours, où une main
de fer se cache parfois pour tenir la lame de la tragédie.
Là où notre vie écrit ses propres fictions,
avec ou sans notre consentement, mais dans le désir
le plus flagrant.
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Titre : Défense d'aimer
Réalisateur :
Rodolphe Marconi
Scénariste :
Rodolphe Marconi
Acteurs : R. Marconi,
A. Necci, E. Danon, O. Gianjorio, H. Brunon
Compositeur : Bruno
Alexiu
Producteur délégué :
Rodolphe Marconi
Coproducteur :
Eric Landau
Production : Pyramide
Distribution :
Pyramide
Date de sortie : 16
Octobre 2002
Pays : France
Année :
2001
Durée : 1h 36
mn
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