Il y a une notion terrible de sacrifice
en lui, dans son combat. Liam lutte contre la mort et non pas,
même pas, pour sa survie car il n’y a pas d’issue, alors
que les héros récents de Ken Loach dans My
name is Joe, Bread and Roses ou Raining stones,
par exemple, cherchaient, pouvaient encore espérer,
espérer survivre, réellement et avec dignité…
Dans Sweet sixteen, le
cinéaste est plus que jamais lucide sur l’état
de sa société, de nos sociétés,
de notre monde en général, donc forcément
d’un pessimisme sans failles, un peu comme Robert Guédiguian
dans son film La villeest tranquille (2001) qui
nous avait livré un portrait social au vitriol…
Si les petits, les sans grades, les enfants meurent, sont condamnés
socialement, nous dit Ken Loach, quel avenir peut-on espérer ?
Aucun, nous répond-il, ce qu’exprimait également
Guédiguian, son frère artistique…
Ken Loach suit la trajectoire de vie de ce personnage central
sans concessions, sans ne jamais nous illusionner sur son avenir.
Mais il sait, comme dans chacun de ses films, placer avec une
grande sensibilité, des bulles de vie dans ce récit
plombé. Elles n’en sont que plus poignantes pour la tragédie
qui se joue, sous nos yeux de spectateurs impuissants, bouleversés.
Les séquences où
les jeunes adolescents en question enregistrent des phrases
d’encouragement sur des cassettes audio, à l’attention
de la mère de Liam emprisonnée, sont belles et
drôles. Ils redeviennent, dans ces instants-là,
de véritables " ados " qui parlent
de drague, de filles, avec insouciance…
Dans la même veine, la caravane
à vendre se situant en face d’un lac, véritable
havre de paix que souhaite acheter Liam pour le retour de sa
mère, incarne également une forme d’espoir poétique,
un rêve pour l’adolescent qui en connaît si peu,
comme la séquence de la voiture volée où
Liam et Pinball, tombent par hasard sur de la musique classique
à la radio, Mozart… ! Ils écoutent la musique,
émouvants, tout en continuant leur rodéo infernal
sur le bitume, grisés par la vitesse, l’interdit, la
violence, le désespoir… Ces respirations ne durent hélas
pas ou peu. Ken Loach ne nous épargne pas car il
attaque son sujet de front. Il ne le lâche pas, jamais.
Le plan le plus dur qu’il nous propose est sans doute celui
de la découverte de la caravane… totalement détruite,
un " cadavre ", brûlée par
Pinball, l’ami fidèle de Liam qui tentera de se suicider,
ne supportant pas que Liam ait été choisi par
le Réseau, pas lui.
Pas
d’espoir donc. Aucun. Mais de la réalité, à
peine filtrée par une caméra " pragmatique ",
comme la nomme Barry Ackroyd, le fidèle directeur photo
de Ken Loach, avec ses plans serrés, fixes, la lumière
naturelle, la pellicule surexposée, un peu comme, dans
une sensibilité proche, chez les frères Dardenne
(Rosetta, Le fils)…
La
mère de Liam, enfin libérée, refusera
d’aller vivre avec ses enfants, préférant retrouver
son ex-amant dealer. Liam tuera alors l’amant, au couteau,
le jour de ses 16 ans. Terrible, insupportable jour.
Sweet sixteen est un excellent titre, horriblement
ironique. 16 ans n’est pas le plus doux, encore moins " le
plus bel âge de la vie ", comme pourrait le
reformuler Rimbaud, le poète insoumis…
Le dernier plan du film est poignant. Liam marche sur une
plage.
Il reçoit un coup de téléphone de Chantelle,
sa sœur, qui lui dit qu’elle l’aime, que la police le recherche.
Liam pleure. Il s’avance vers la mer, seul, abandonné,
impuissant, perdu comme jamais. La symbolique de l’Elément
naturel est forte, comme un retour aux origines, au Néant,
à la mer(e), tant aimée, tant recherchée.
Fin. Ken Loach nous fait imaginer le pire des hors-champs
pour Liam, à moins que le pire donc la mort, ne constitue
une délivrance possible, la seule, enfin...
Titre : Sweet Sixteen Réalisateur :
Ken Loach Productrice : Rebecca
O’Brien Scénariste :
Paul Laverty Directeur de la photographie :
Barry Ackroyd Acteurs principaux :
Martin Compston, William Ruane, Annmarie Fulton,
Michelle Abercromby, Michelle Coulter, Gary McCormack,
Tommy McKee, Calum McAlees Musique : George
Fenton Montage : Jonathan
Morris Ingénieur du son :
Ray Beckett Décors :
Martin Johnson Costumes : Carole
K. Millar Documentaliste :
Pamela Marshall Assistant réalisateur :
David Gilchrist Directeur de production :
Peter Gallagher Coproducteurs :
Ulrich Felsberg et Gerardo Herrero Production : Sixteen
films, Road Movies Filmproduktion et Tornasol/Alta
Films En association avec :
Scottish Screen et BBC Films Distribution :
Diaphana Festival : Prix
du scénario au Festival de Cannes 2002 Sortie : 11 décembre
2002 Pays : Grande-Bretagne Durée :
1 h 46