Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     


 

 

 

 

 
Un monde presque paisible (c) D.R. FESTIVAL DE VENISE 2002
En compétition

UN MONDE PRESQUE PAISIBLE

de Michel Deville
Par Lydie FERRAN


SYNOPSIS : Août 46, dans un atelier de confection pour dames, à Paris, dans le quartier des tailleurs juifs. Autour de quelques machines à coudre, trois tables et des rouleaux d’étoffe, entre un café, un square, une chambre d’hôtel ou un appartement soudain trop grand, quatre femmes, cinq hommes et quelques enfants essaient de réapprendre à vivre. Fragilisés à l’extrême mais déterminés à être là, résistants, ils font le pari de la vie, avec de la fantaisie, de la légèreté. Ce sont des gens ordinaires, ce sont des gens admirables. " Un monde presque paisible " parle d’espérance.

....................................................................

UN DEVILLE TROP PAISIBLE ?

  Un monde presque paisible (c) D.R.
Le dernier film de Michel Deville pèche étonnamment par excès de pudeur, nous privant d’émotions fortes malgré pourtant, la force même de son sujet : la vie après-guerre, après la déportation…

Le dernier film de Michel Deville : " Un Monde presque paisible ", adaptation du livre autobiographique de Robert Bober (" Quoi de neuf sur la guerre ? ", POL, 1993 ), est inattendu, d’abord par son sujet - la vie dans l’immédiat après guerre, en 1946, plus précisément dans un atelier de couture juif – ensuite par sa forme - un quasi huis-clos tournant autour de quelques personnages principaux - où les intérieurs, tant matériels que psychologiques, dominent, entrecoupés d’instantanés, de photos arrêtés figeant le temps...

Le titre du film traduit bien l’atmosphère et le ton voulus par le réalisateur, naviguant entre passé douloureux (la déportation), présent difficile (parvenir à survivre, faire un deuil impossible) et futur à construire (espérer, refaire ou seulement poursuivre sa vie malgré tout).

Chacun des personnages proposé, incarne une forme de vie, de temps, qu’il ait choisi d’évoluer ou non, de rester dans la douleur ou d’espérer. Le plus émouvant d’entre eux, celui qu’on perçoit le mieux, qu’on ressent le plus est, paradoxalement, le plus secret, le plus silencieux de tous : Charles, incarné par le très juste Denis Podalydès. Il est l’incarnation même de l’enfermement dans le passé. Toute son attitude physique, ses vêtements, classiques pour ne pas dire vieillots, ses yeux mélancoliques derrière des lunettes tristes et grises, son application au travail, marquent son refus total d’ouverture. Revenu des camps, ayant perdu femme et enfants en déportation, Charles vit dans le souvenir. Il refuse tout nouvel espoir pouvant se présenter à lui.

Un monde presque paisible (c) D.R.
Ainsi, une séquence bouleversante le place face à Léa (Zabou Breitman), la femme du patron de l’atelier, qui ose lui avouer avec courage tout son amour mais lui, préfèrera se fermer, refuser encore et toujours, sans doute même pour toujours, une seconde vie possible… l’une des scènes les plus belles du film où l’émotion parvient à percer…

C’est cela " Un monde presque paisible ", un entre-deux incertain, une période de transition, fragile, complexe, mélancolique, où il faut tenter de retrouver sa place, une raison d’exister. Tout est dans le " presque ", le basculement d’un Monde à l’autre.

Dans une séquence emplie d’humour et d’intensité M. Albert (Simon Abkarian), le patron de l’atelier, incarne une manière forte et personnelle de vivre ce passage. Il crie à son voisin antisémite de l’étage inférieur qui proteste contre le bruit, qu’il est juif et qu’il peut le crier à présent sur les toits, en toute liberté. Joseph aussi (Malik Zidi) revendique ce droit d’exister à nouveau en plein jour, lors notamment d’une séquence remarquable au poste de Police, face au commissaire ex-collabo lui refusant la naturalisation. Il sera écrivain, affirme Joseph avec vigueur au commissaire impuissant qui l’a déporté. Il écrira, racontera son histoire.