Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     


 

 

 

 

 
Rachida (c) D.R.

Yamina Bachir Chouikh a filmé ce tragique fait-divers sous un angle inédit puisqu’elle déplace une violence urbaine, aveugle, dans un contexte rural à partir duquel elle peut étudier le sort de ses compatriotes. Elle s’attache surtout à relater et dévoiler le mécanisme de la montée de la peur et de la haine dans cette " micro-société " et effleure les relations qui se nouent entre les terroristes et leurs victimes, ou la complicité plus ou moins consentie de certains algériens, comme la famille de la petite Karima, une des élèves de Rachida, dont le père est un terroriste. Elle dévoile les atrocités meurtrières commises par les commandos du GIA, massacres de villageois, enfants abandonnés, vol de la population, les faux barrages, en laissant les bourreaux muets. Ainsi elle ne réalise ni un documentaire ni un film de propagande, mais raconte simplement le quotidien sanglant qui bouleverse l'Algérie.

La cinéaste explique avoir " choisi comme personnage principal une des victimes ‘préférées’ des terroristes : une femme ". Avec ce film, elle dresse le portrait non pas d’une femme, mais celui de " trois générations d’algériennes " confrontées au joug des terroristes. Il y a Aïcha, la mère de Rachida, une femme divorcée, une paria qui subit la violence de la société et du poids des traditions. Rachida, est une jeune fille moderne qui se maquille, écoute de la musique, a un petit ami, ne se pose pas de questions, comme beaucoup d’Algériens d’avant la vague terroriste. Yamina Bachir Chouikh dissèque les réactions de Rachida face à cette peur qui la meurtrit dans sa chair. Lors de la découverte de la présence des terroristes dans le village elle est accablée, étouffée par la réapparition de ses émotions, mais elle parvient à surmonter son effroi et finit par recommencer à vivre. Karima, la plus jeune des trois rêve d’aller sur la lune, elle représente le futur de l’Algérie, celle pour qui un autre monde est encore possible. La cinéaste aborde aussi un autre aspect des conséquences du terrorisme, le sort d’une jeune fille enlevée et violée par les terroristes qui a réussi à s’enfuir et qui retourne chez elle. Le père la répudie car elle l’a déshonoré. Elle dresse l’état des lieux d’une " société algérienne bouleversée " acculée entre des traditions omniprésentes et son " désir d’exister ".

  Rachida (c) D.R.

Rachida est une métaphore sur l’Algérie : comme le dieu Janus, ce pays a deux visages, une face légère, optimiste et une autre faite de peine, de sang et de douleur. Cela se traduit dans la réalisation par des plans de scènes violentes filmées caméra à l’épaule, contrebalancés par des scènes de douceurs avec des mouvements lents. Yamina Bachir Chouikh créé des instants fugitifs de poésie, comme lorsque les élèves forment des bulles de savon, ou encore les préparatifs du mariage, l’escapade amoureuse de Rachida et de son fiancé. Il existe aussi une scène remarquable de beauté où les femmes enlèvent leur voile pour en recouvrir la jeune fille souillée par le viol. Quant il s’agit de tourner des scènes violentes, elle filme de façon réaliste, mécanique, sans céder au voyeurisme ou à l’acrimonie. Les deux femmes se révoltent contre les terroristes et contre l’Etat. La jeunesse est montrée dans son quotidien difficile, fait aussi de moments d’insouciance, à l’instar de cette scène légère où l'amoureux insatisfait accapare la cabine téléphonique pour appeler sa bien aimée et s’exclame :" Chaque pièce est un rêve, le pays lui ne donne que des cauchemars ". Cette jeunesse qui endure la mauvaise gestion économique, sociale et politique, est la première à être touchée par le désœuvrement et le chômage. " C'est l'aboutissement de toutes sortes de violences, l'humiliation de nos jeunes, le chômage, pendant 40 ans, nos enfants ont été élevés avec des slogans ". Ces faits font partie des causes responsables de la montée de la haine. Le même adolescent répliquera au père qui le refuse comme prétendant à sa fille : " Ce n’est pas moi qui suis au chômage c’est l’Etat qui est en vacances ! ".

Comme dans toute tragédie, les moments de bonheur laissent place à une atmosphère plus lourde, plus implacable, celle d’une Algérie chaotique et inhumaine. Rachida se clôt sur le massacre sanglant des villageois par les terroristes qui déciment une partie de la population lors de la cérémonie du mariage, laissant le village dévasté, en ruines, théâtre de l’armageddon. La jeune institutrice parvient à se cacher et sauve un nouveau né. Le lendemain, elle retourne résolument à l'école dans une scène finale bouleversante où l'on voit les enfants qui ont échappé au massacre, s’approcher et pénétrer dans leur salle de classe saccagée. Pour Yamina Bachir Chouikh, ce film permet aussi de montrer " la dégradation d’un système éducatif devenu un vivier de violence où l’on cultivait la culture de la haine ". Ainsi, dans son œuvre romanesque, l’école reste un sanctuaire inviolé, un lieu de savoir et de connaissance. Au début du film, Rachida refuse d’y faire exploser la bombe. Même si à la fin du film, l’école subit les foudres des terroristes, il demeure le seul lieu d’espoir.

Yamina Bachir filme la femme algérienne, belle, valeureuse, faisant front, et réalise un film brillant et courageux, un " hymne à la paix, à la tolérance, et au courage de tous les ‘anonymes’ ".



Acheter ce livre ou DVD sur le site : Fnac
Acheter ce livre ou DVD sur le site : PriceMinister
Acheter ce livre ou DVD sur le site : Amazon
Acheter ce livre ou DVD sur le site : Librairie Lis-Voir




Titre
 : Rachida
Réalisateur : Yamina Bachir-Chouikh
Scénariste : Yamina Bachir-Chouikh
Acteurs : Ibtissem Djouadi, Bahia Rachedi, Rachida Messaouden, Zaki Boulenafed, Amel Chouikh, Abdelkader Belmokaden, Mohamed Remas, Aïda Guechoud, Azzedine Bougherra, Narimen Laalali
Directeur de la photographie : Moustapha Belmihoud
Compositeur : Anne-Olga De Pass
Production : Ciel Production, Arte France Cinéma, Ciné-Sud Promotion
Producteur : Margarita Séguy
Distribution : Les Films du Paradoxe, France
Date de sortie : 08 Janvier 2003
Pays : Algérie, France
Durée : 1h 40mn.
Année : 2002