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Tous les personnages
sont donc construits selon le même schéma avec
une justesse anthropologique impressionnante. On se croirait
presque dans un documentaire animalier où les bêtes
à poil auraient été subrepticement remplacées
par des imbéciles à fourrures. Mais le résultat
n’aurait pas été aussi bon sans le talent des
acteurs et actrices sélectionnés. Jean-Pierre
Darroussin, Sandrine Kiberlain, Dominique Blanc, Jean-Claude
Brialy, Mathieu Amalric, ainsi que Didier Bezace, dans une
petite apparition, sont tout simplement parfaits. De la part
d’acteurs habitués aux rôles de premier plan,
cela n’est pas totalement bouleversifiant : on n’en attendait
pas moins d’eux. Mais un comédien et une comédienne
plus rares sur nos écrans se sont greffés sur
ce casting prestigieux. Hélène Lapiower déjà
aperçue dans le Trouble Every Day et réalisatrice
de Petite conversation familiale est en effet de la
partie. Et dans le rôle d’Alice, elle s’en sort plutôt
bien, donnant envie de la voir dans des rôles un peu
plus consistants. Autre révélation : Richard
Debuisne. Sous les traits d’Emmanuel Kirch, chef d’orchestre
dont le coup de téléphone matinal va servir
de base au film, ce dernier compose un personnage qu’on pourrait
qualifier d’original s’il n’était vraisemblablement
unique dans l’histoire du cinéma. Pendant la première
moitié du film, on reste scotché devant l’interprétation
de Richard Debuisne. Il joue faux ou terriblement vrai, c’est
bien là tout le problème, et l’on se demande
quelle mouche perverse a piqué Jeanne Labrune la forçant
à choisir un tel acteur pour un rôle aussi important.
Oubliant ainsi qu’il ne faut pas vendre la peau du scénario
avant de l’avoir tout lu, le spectateur présomptueux
se voit fort dépourvu quand la moitié du film
fut venue. A cet instant, la raison de la présence
s’explique en effet de manière magistrale : Richard
Debuisne est " l’homme qui ne joue pas ".
Idée géniale ! A lui tout seul, ce chef
d’orchestre résume le propos du film, il personnifie
cette dénonciation d’un certain monde de l’apparence
qui transforme dangereusement ses habitants en acteurs professionnels.
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Dialogues ciselés,
acteurs doués, C’est le bouquet ! aurait
tout du film abouti si la fin n’était pas aussi abrupte,
et finalement décevante. On a l’impression que Jeanne
Labrune n’a pas voulu ou pas pu trouver de chute à
son entreprise de démontage systématique des
faux-semblants et autres aberrations qui rythment le quotidien
vide des cercles petits-bourgeois. Et ça tombe mal,
car la chute d’un film possède un rôle important,
bien que certainement surfait : celui de valider la centaine
de minutes précédente. En interrogeant le spectateur
ou en lui adressant un petit clin d’œil complice, le réalisateur
prolonge son film à l’extérieur de la salle,
en fait le sujet de discussion principal du retour à
la maison. Dans le cas contraire, si le spectateur reste sur
sa fin, la déception risque d’enclencher un processus
de remémoration à rebours occultant les bons
moments pour ne faire ressortir que les aspects négatifs
du film. C’est malheureusement ce qui se produit avec C’est
le bouquet ! Si les dernières minutes étaient
plus percutantes, on repenserait peut-être moins aux
petits moments de flottement que connaît le film. Entre
les passages comiques grandioses évoqués plus
haut, il subsiste en effet quelques phases d’ennui dues à
une écriture plus affectée ou à une situation
moins fine. Comme c’est le cas dans l’épisode du valet
de pied. C’est le bouquet ! n’est donc pas un
film parfait, mais il s’en dégage une perspective réjouissante :
que Jeanne Labrune puisse un jour réaliser une comédie
de référence, un film qui fasse date dans
l’histoire du cinéma français. Vu la progression
remarquable enregistrée entre Ca ira mieux demain,
qui était déjà un bon film, et C’est
le bouquet !, qui en est un meilleur, il se pourrait
que ce petit chef d’œuvre d’humour soit son prochain film.
Chiche, madame Labrune !
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Titre : C'est le bouquet !
Réalisateur :
Jeanne Labrune
Scénariste :
Jeanne Labrune, Richard Debuisne
Acteurs : Hélène
Lapiower, Richard Debuisne, Sandrine Kiberlain,
Jean-Pierre Darroussin, Maurice Bénichou,
Dominique Blanc, Jean-Claude Brialy, Mathieu Amalric,
Dominique Besnehard, Didier Bezace
Compositeur : Bruno
Fontaine
Costumier : Claire Fraïssé
Monteur : Guy Lecorne
Chef décorateur
: Emile Ghigo
Cadreur : Christophe
Pollock
Mixage : Gérard
Rousseau
Production : Les Films
Alain Sarde, Studio Canal, Art Light Productions,
France 2 Cinéma
Producteur exécutif
: Anne Descours, Jean-Luc Denéchau
Producteur associé
: Christine Gozlan
Distribution : Bac Distribution
Date de sortie : 11
Décembre 2002
Durée : 1h 39mn
Pays : France
Année :
2001
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