La puissance de la mise en scène
est pour beaucoup dans la réussite du film. La particularité
de Loach étant de coller aux corps, aux visages, aux
bâtiments avec une caméra toujours à hauteur
des personnages. Grâce à ce dispositif, l’effet
d’empathie fonctionne. Loach nous introduit dans la sphère
d’intimité de ses personnages conférant une intensité
peu commune au drame qui se joue sous nos yeux.
La force du scénario
réside dans le dilemme auquel se trouve confronté
le jeune Liam qui se démène entre copains, gangsters,
et membres de sa famille en lambeaux, tentant de concilier
l’ensemble afin d’arriver à son rêve : réussir
à vivre avec sa mère et sa sœur dans un vrai
foyer.
L’efficacité de l’intrigue tient essentiellement à
un implacable questionnement moral que le cinéaste
nous pose habilement à travers ce film, à savoir
jusqu'à quel point est-il acceptable qu’un garçon
de 15 ans se fasse trafiquant de drogue pour aider sa
mère à échapper à son destin de
taularde, victime du beau-père et pour réunir
la famille en réconciliant la mère et la grande
sœur fâchée ? Jusqu’à quel point
s’applique la notion de liens familiaux ? Chantelle,
la sœur, n’a-t-elle pas, elle, trouvé la bonne solution
en abandonnant l’idée d’aider une mère paumée
qui ne fait pas d’efforts pour s’en sortir et qui n’a pas
la capacité de continuer à élever ses
enfants ?
Pour Liam, l'espoir de s'en sortir
se fait de plus en plus ténu, d'improbable il glisse
lentement vers l'impossible. L'émotion, souvent présente,
arrive naturellement et jamais de façon mélodramatique.
Ainsi de cette belle scène où Liam enregistre
sur son radiocassette un message pour sa mère et une
chanson qu'elle aime: le superbe "I'll Stand By You" des
Pretenders.
Il n’y aura aucune
solution trouvée pour faire à ce destin, ni
par le réalisateur, ni par son personnage. Là
où My name isJoe se dénouait
avec un optimisme relatif, SweetSixteen s'achève
dans un brouillard plus flou. Liam se retrouve au bord de
la Clyde, perdu au milieu de nulle part, avec un avenir plutôt
sombre, loin de sa mère. Tout au long du film, on sent
que l’engrenage vers la destruction est presque fatal.
Avec Sweet Sixteen, Loach réussit un de ses
plus beaux portraits, celui d’une Angleterre en friche, prolétaire
et exclue du progrès. Une analyse édifiante
et amère de la société actuelle menée
à un rythme trépidant et portée par des
personnages touchants et authentiques. Une histoire forte
et forcément poignante. Forcément parce que
le regard de Loach sonne juste.
Titre : Sweet Sixteen Réalisateur :
Ken Loach Scénario :
Paul Laverty Acteurs : Martin
Compston, William Ruane, Annmarie Fulton, Michelle
Abercromby, Michelle Coulter, Gary McCormack,
Tommy McKee... Productrice : Rebecca
O’Brien Directeur de la photographie :
Barry Ackroyd Musique : George
Fenton Montage : Jonathan
Morris Ingénieur du son :
Ray Beckett Décors :
Martin Johnson Costumes : Carole
K.Millar Directeur de production :
Peter Gallagher Coproducteurs :
Ulrich Felsberg, Gerardo Herrero Distribution :
Diaphana Date de sortie :
11décembre 2002 Pays : Angleterre Durée :
1 h 46