Dans le film de Vincent Glenn, rien
de bien intéressant ne sortira donc de Davos :
de belles phrases creuses empreintes de langue de bois.
Il faut se tourner du côté de Porto Alegre
pour trouver des idées, des actions ( par exemple,
la fondation du footballeur Raï pour les enfants démunis),
des connaissances, de l’esprit, de l’humour (les interventions
caustiques de l’écrivain Eduardo Galeano), du sens
etc. " On vient ici chercher des idées
politiques " dit Daniel Mermet, au sujet du
budget participatif. Et de fait ce forum social s’apparente
à un joyeux laboratoire, un peu bordélique,
où tous les points de vue sur la mondialisation,
l’économie, sont bons à prendre, et pas seulement
ceux des spécialistes mais aussi ceux des écrivains,
des artistes, des simples citoyens. A Davos, seul l’avis
des experts (écoomiques) et des présidents
de société semble importer.
Malgré tout, une rencontre va avoir lieu, par satellite,
entre des représentants de Davos et des représentants
de Porto Alegre, mais elle va confirmer, voire accentuer,
le malentendu. En effet, le dialogue va très vite
tourner court. Après quelques échanges plutôt
courtois, une femme argentine, H. de Bonafini, présidente
des mères de la place de Mai, prend la parole et
invective violemment les hommes de Davos, notamment le célèbre
spéculateur George Soros. Ses propos sont à
la limite de l’incohérence, et bien sûr mettent
fin à la parole ; mais qu’importe car ce qu’on
entend alors, c’est l’expression nue d’une douleur extrême,
qui se mue en rage, en fureur contre les possédants
et les nantis. Face à cette explosion irraisonnée,
moment fort du film, qui jette un froid réel, les
hommes de Davos prendront peut-être la mesure humaine
des impacts de la mondialisation, et de ce terrible sentiment
de frustration et de rancœur.
Dans ce film sincère et inquiet, qui ne se veut pas
parfait et définitif sur la question (pas de voix-off
démonstrative), mais au contraire se donne comme
un objet en mouvement, en recherche, on saura gré
à Vincent Glenn d’avoir su donner un visage humain
à la sacro-sainte mondialisation. D’un côté,
on parle de flux de biens, d’idées, de technologie
(et pas d’homme) et l’on dresse, tels des rideaux de fumée,
des concepts obscurs dans un jargon spécialisé
qui veulent bloquer l’accès au réel (seuls
les experts sont compétents…). De l’autre, ce sont
des hommes qui s’écoutent et se parlent, dans l’ivresse
d’un parole fraternelle, dans un esprit soucieux d’échange
et de partage, en premier lieu le partage des connaissances.
Tel est bien, en fin de compte, l’enjeu de ce film :
l’information (de là l’intervention décisive
de René Passet), autrement dit l’accès au
savoir. Il témoigne de cette volonté citoyenne
et démocratique de ré-appropriation du savoir
opposée à une tradition plus ésotérique
représentée par Davos que le lieu même
symbolise : des bunkers enneigés propices à
la dissimulation de quelque société secrète.
Titre : Davos, Porto Alegre et
autres batailles Réalisateur :
Vincent Glenn Ecriture :
Vincent Glenn, Christopher Yggdre Image :
Eric Guéret, Barmak Akram, Philippe Larue,
Vincent Glenn Son :
Pierre Bosheron, Régis Leroux Montage :
Annick Hurst Compositeur
: Zafrica Brazil Graphisme :
Patrick Hepner Distribution :
les Films du Safran Sortie France
: 08 Janvier 2003 Année :
91 mn Pays :
France Année :
2002