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D’abord engoncé
dans un style de l’entre-deux, pris dans une révérence
forcée au mystère et à une douce étrangeté
auquel d’abord il se donne pleinement, le cinéaste
se met bientôt en scène à travers les
mots des personnages, joue à faire cinéma
tout en se recyclant, cadre de plus en plus les angles sombres
d’une nuit mélancolique (traversée du bois,
passage dans les ruines) en montrant le versant sombre d’un
autre Rien sur Robert dans un Rien sur Bruno,
et met en abyme son propre cinéma. Dans Encore,
le professeur, incarné par Jackie Berroyer, dessinait
déjà des trajectoires entre les personnages,
passait d’une maison à l’autre, de mini-récits
en mini-drames, son visage devenant le réceptacle comique
de baffes, fausses joies et vrais coups. Petites coupures
met en abyme sa propre maladie, en affublant là encore
son personnage de saignées, coups, et autres petites
coupures. Le film véhicule son propre titre, après
s’être assumé autophage de sa propre filmographie.
On y voit alors la profonde cohérence de l’univers
Bonitzer, chassé-croisé de personnages détestables
en mal d’affects. Et même s’il met constamment en scène
ce qui va advenir forcément, sous nos yeux, ce cinéma-là
trouble moins par sa sur-signifiance, son insistance sur les
moments volés de la vie, que par son regard sur un
monde du non-sentiment, de la vanité totale et du malheur
bourgeois.
Cette indécision se trouve au cœur de la dialectique
des personnages, eux-mêmes scindés par un espace
de la parole malade, répétitive et incertaine.
C’est ce qui touche finalement dans Petites coupures :
après avoir instauré une logorrhée qui
déchire la brume des plans et le mystère contenu
dans les silences et traits de Kristin Scott Thomas, le film
se joue de sa fausseté et de sa grandiloquence (on
parle de mensonge, ici, et même de cinéma, comme
si on y était), ce qui met à mal et à
nu les fondements humides du cinéma de Bonitzer. Sens
de la dérision qui perfuse le cœur dépressif
du film, et qui rodait jusqu’ici dans les volutes musicales,
petits bavardages drôles et hautains et comédies
de situations. " Tout est ridicule " :
oui, mais l’important était d’en rendre vraiment compte.
Tardivement, la glace de Petites coupures se brise,
assaini enfin, en dévoilant le simulacre simulé.
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Titre : Petites Coupures
Réalisateur :
Pascal Bonitzer
Acteurs : Daniel
Auteuil, Kristin Scott Thomas, Pascale Bussières,
Ludivine Sagnier, Catherine Mouchet, Emmanuelle
Devos, Hanns Zischler, Jean Yanne
Ecriture, réalisation :
Pascal Bonitzer.
Collaboration :
Emmanuel Salinger.
Scripte : Lydia
Bigard.
Casting : Antoinette
Boulat.
Musique : John
Scott.
Directeur de production :
Pierre Wallon.
Directeur de la photographie :
William Lubtchansky
Chef opérateur son :
Frédéric Ullmann
Mixage : Anne Le
Campion
Producteurs : Jean-Michel
Rey et Philippe Liégois
Coproduit par :
Douglas Cummins
Sortie le : 12 février
2003
Pays : France
Durée :
1 h 35
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