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Un taxi pour trois (c) D.R. UN TAXI POUR TROIS
d'Orlando Lübert
Par Claudia COLLAO


SYNOPSIS : " Le volant ou le coffre ? " Avec cette proposition et un couteau aiguisé, deux délinquants un peu fêlés, Chavelo et Coto, attaquent Ulises Morales, chauffeur de taxi. Ils le contraignent à devenir leur complice pendant leurs vols à la tire. Lorsqu’il rentre dans sa famille très honnête, Ulises constate que cette attaque lui a permis de gagner en quelques heures plus d’argent qu’il n’en a eu depuis des mois. Obsédé par les traites de sa Lada taxi qu’il ne parvient pas à honorer, il se laisse tenter par l’argent facile. Commence alors pour les trois hommes une fuite en avant, sur fond de crise sociale urbaine. Après plusieurs hold-up ratés, Chavelo et Coto s’installent chez Ulises, dans son intimité familiale. Mais quand vient le moment de faire marche arrière, peut-être est-il déjà trop tard...

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POINT DE VUE

Tandis qu’un célèbre " Taxi " envahit les écrans, un autre sort dans les salles. Concha de Oro au Festival de San Sébastian, ce film est rapidement devenu l’un des plus vus du cinéma chilien devant toutes les superproductions américaines. Loin d’être un imperturbable bolide, la vieille Lada pourrie d’un Taxi pour trois propose une promenade au cœur d’un pays plongé dans les incertitudes de l’après dictature.

  Un taxi pour trois (c) D.R.

Enchevêtrement des genres, de comédie noire et d’images documentaires, le récit devient non plus une fiction sur un taxi, mais une réalité exposée au spectateur. La proposition initiale nous précipite au cœur d’une situation à double tranchant d’un pays en plein après Pinochet. Soumis à l’offre des deux bandits Chavelo et Coto, obsédé par les traites de sa vieille Lada qu’il n’arrive pas à payer, un chauffeur de taxi constate qu’il gagne plus d’argent par ses hold-up qu’il n’en a eu depuis des mois.

Le personnage d’Ulises, père de famille et chauffeur de taxi, inspiré de la réalité, devient une métaphore de la représentation entière d’une conscience. Ulises est tout aussi cupide, que ses deux complices malfaiteurs. Personnage auquel le spectateur devrait pouvoir s’identifier, Ulises se soumet, à l’image du Chili, à l’exposition de publicités consuméristes, un mode de vie inabordable pour lui. Chaque plan d’attente dans le taxi, est autant une protection du monde extérieur, qu’une représentation mentale du personnage. En aussi mauvais état que sa conscience, ce taxi devient la raison et le moyen de vivre d’une communauté, non seulement sa famille, mais aussi ses complices, la police et sa maîtresse, tentant de construire une survie attachée au mensonge, à la cupidité matérielle. Si le taxi attache les personnages aux vœux d’un mode de vie inabordable, la vielle Lada devient la croix de tous, représentative d’une identité pesante obstruée.

Un taxi pour trois (c) D.R.

La perte d’identité devient une quête sans aboutissants. Si les deux délinquants décident de changer de vie au contact de la famille de Ulises, ils ne seront pas sauvés pour autant. La décision prise par Ulises d’arrêter de participer aux braquages, ne le rendra pas honnête. Les événements le rattraperont, quoi qu’il arrive. A l’image des appareils électroménagers volés puis offerts à la famille d’Ulises par ses complices, abandonnés à plusieurs reprises par celui-ci , et qui retrouvent le chemin de son foyer à la grande joie de tous, imperméables à toute prise de conscience devant ce luxe offert. Face au règne de l’argent, et son mode de vie inabordable pour la majeure partie de la population, les murs du taxi purgatoire demeurent faibles.