SYNOPSIS
: Opératrice pour un centre d’appel anti-suicide, Tatsumi (Asuka
Kurosawa) mène une existence monotone auprès de son vieux mari,
un riche homme d’affaire. Un jour, elle reçoit un paquet de
photos la surprenant dans ses jeux érotiques solitaires ; le
mystérieux expéditeur la contacte par téléphone, et dit avoir
été sauvé du suicide par la persuasion de Tatsumi. Sous prétexte
d’un chantage, il amène la jeune femme à se réaliser dans ses
fantasmes, en échange des négatifs compromettants. Le mari réalise
Une jeune femme de Tokyo, mariée à
un cadre d'entreprise qui a bien réussi, et qui travaille
comme volontaire dans un centre de « s.o.s. suicide ».
Ses directeurs la félicitent, elle a réussi à sauver des gens.
Le dernier film de Shinya Tsukamoto s'inscrit dans la démarche
des deux précédents, Gemini et Bullet Ballet,
dans lesquels nous assistions à l'effondrement d'un couple
bourgeois. Dans A Snake of June, cette jeune femme
est l'épouse d'un homme un peu plus age, terrifié par toutes
les choses du corps, par sa dimension « sale ».
C'est peu dire que ce personnage est du côté de la rétention.
D'autre part, la douceur, la compassion de cette femme au
téléphone ont transformé ce qui seront les derniers jours
d'un photographe (joué par Tsukamoto) atteint d'un cancer.
C'est là que le film rejoint l'ensemble du thème dominant
de l'œuvre de Tsukamoto, le triangle passionnel sur fond de
Japon cyberpunk.
Depuis 1989 et la sortie de Tetsuo, Tsukamoto ne s'est
jamais vraiment éloigné de ce thème, ni de son style de mise
en scène fondé sur l'impact, la percussion du son & de
l'image. Un style qui continue de diviser la critique aujourd'hui
(par exemple, « Les Cahiers » ont préféré le défilé
aux couleurs d'automne de Yohji Yamamoto de Dolls,
de Kitano, à la micro-jupe sans culotte de l'héroine de Tsukamoto).
Et pourtant Tsukamoto remportait à son tour un prix à Venise
cette année, celui de la critique... Il faut néanmoins admettre
que son cinéma n'incarne plus le même zeitgeist qu'au début
des années 90, lorsqu'on parlait de lui, d'Otomo, de William
Gibson et de toute la mouvance cyberpunk. Tsukamoto a cherché
à s'éloigner peu à peu de la S.F., sans se défaire de son
thème de prédilection, ni de sa palette fétiche bleutée (A.I.
et Minority Report de Spielberg semblent presque la
citer).
Mais Snake of June annonce
peut-être un tournant, un élan plus explicite de compassion,
d'envie de donner. Malgré les perversions d'usage, cette fois,
le photographe fait du chantage à celle qui a retardé sa mort,
en se servant de photos d'elle se masturbant, et l'oblige
à se promener dans Tokyo quasi nue, un énorme vibrateur entre
les cuisses... L'objectif de ce photographe est de transmettre
à ce couple coincé l'envie de retrouver le désir, la chair,
les matières du corps. La leçon sera dure, mais efficace,
après quoi le photographe se retire.
Presque du romantisme chez Tsukamoto. Le film soulève un point
plus important par rapport a l'image de Tokyo que Tsukamoto
persiste a représenter: cette image parle-t-elle encore a
un public domestique qui s'est lassé de l'anime, de la S.F.
apocalyptique, d'Arraki, etc. Plus que jamais, le public
de Tsukamoto, réalisateur, semble se trouver à l'étranger.