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La Cité de Dieu (c) D.R. LA CITE DE DIEU
de Fernando Meirelles
Par Marc LEPOIVRE


SYNOPSIS : Dans une favela qui a vu le jour à Rio de Janeiro dans les années soixante, Fusée est un gamin noir, pauvre, trop fragile pour devenir hors-la-loi, mais assez malin pour ne pas se contenter d'un travail sous payé. Il grandit dans un environnement violent, mais tente de voir la réalité autrement, avec l'oeil d'un artiste. Il rêve de devenir photographe professionnel. Petit Dé, un enfant de onze ans, emménage dans la Cité. Il souhaite pour sa part devenir le plus grand criminel de Rio et commence son apprentissage en rendant de menus services à la pègre locale. Il admire Tignasse et son gang, qui arraisonnent les camions et cambriolent à tout va. Tignasse donne à Petit Dé l'occasion de commettre un meurtre, le premier d'une longue série...

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GANGS OF RIO

  La Cité de Dieu (c) D.R.

Énorme succès au Brésil, grosse sensation au dernier festival de Cannes, La cité de Dieu est un film ambitieux, et très impressionnant. Adapté d’un livre de Paulo Lins (et d’une histoire vécue, ce qui lui a valu d’être conseiller sur le film), c’est une fresque se déroulant sur trois époques, soit une quinzaine d’années, qui raconte la vie et la trajectoire de jeunes gens dans l’un des quartiers les plus chauds et les plus violents de Rio de Janeiro, Cidade de Deus. La part belle est faite à la violence dans un récit plein de bruit et de fureur qui s’attache à montrer comment s’édifie un gang de gamins des rues vivant du trafic de drogue et la lutte des gangs entre eux.

La cité de Dieu nous invite à un véritable torrent narratif, doublé d’un tourbillon visuel, étourdissant, saoulant par moments, explosif, frénétique, parfaitement maîtrisé, dans lequel on se laisse entraîner sans résistance et qui fait passer très vite les deux heures quinze que dure le film. Certes, d’aucuns s’agaceront de quelques tics de mise en scène : musique omniprésente, lumière léchée d’un Brésil publicitaire etc, donnant l’impression par moments de voir un clip géant façon MTV, mais il y a aussi une inventivité et une vitalité extraordinaire dans la mise en scène de Meirelles (aussi bien le cadrage, le scénario, le jeu d’acteur, le montage etc), cette vitalité qui est celle-là même des gamins des favelas et qu’avec Pasolini on pourrait qualifier de « désespérée ». On sent aussi manifestement une joie intense de filmer, de faire du cinéma, qu’on comprend d’autant plus quand on sait que la plupart des (jeunes) acteurs sont des non-professionnels, venant eux-mêmes des favelas de Rio. De fait La cité de dieu, de ce point de vue rappelant parfois Trafic de Soderbergh, témoigne de cette tension entre le réalisme, voire l’hyper réalisme, de l’approche du sujet (tournage dans les lieux réels, acteurs non professionnels etc.) et la stylisation parfois extrême du traitement formel et narratif, peu avare de procédés : cadrages élaborés, lumière, montage polymorphe, arrêts sur image, retours en arrière, alternance de points de vue, voix off. Après tout, Meirelles aurait pu opter pour la voie du « tout documentaire » et tourner avec une pellicule granuleuse genre 16 mm. Mais Cidade de deus est animé d’une ambition spectaculaire claire et nette, à la façon d’un grand film d’action américain, comme si d’une certaine façon il y avait une façon de rendre hommage, de conférer toute sa dignité et son prestige cinématographique à des évènements et à des personnages bien réels, morts pour la plupart, de les doter de l’aura mythologique du cinéma. Mais surtout c’est cette constante dynamique et fluidité du récit qui impressionne, celle que Meirelles a réussi à impulser au film malgré la ramification complexe de l’intrigue, adaptée d’un livre particulièrement foisonnant. Par moments, le film, par l’emballement frénétique du récit et sa flambée de violence finale, fait penser aux meilleurs Scorsese, particulièrement Les Affranchis. Cette comparaison n’est pas fortuite : Cidade de deus raconte une histoire très similaire à Gangs of New York, le dernier Scorsese. Les deux œuvres montrent le mécanisme d’édification et de maintien des gangs dans les zones urbaines anomiques et le caractère fondateur de la violence dans les villes. Mais l’élève a dépassé le maître et Meirelles réussit là ou Scorsese a échoué : la fluidité, le rythme, la spontanéité, l’énergie, la simplicité, alors que chez Scorsese tout paraît empesé et plombé.