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La Cité de Dieu (c) D.R.

À partir d’une matière première particulièrement riche, Meirelles a choisi de se focaliser principalement sur deux personnages : Fusée, le narrateur timide et Petit Zé, le caïd psychopathe et haut en couleurs. Tous les autres gravitent autour d’eux, et le récit lui-même se structure autour de leur relation étrange, entre admiration secrète et haine. Fusée est le témoin, celui qui raconte une histoire à laquelle il a survécu. C’est pourquoi il ne participe pas à l’action violente qui nous est relatée, et qu’il reste constamment en retrait, lointain, quasi inexistant, adoptant une focalisation externe comme on dit si bien. Il ne vit pas l’action car il préfère la représenter, à travers la photographie par exemple, sa passion, qui va lui permettre de s’en sortir et va lui sauver la vie. Dans un monde qui vit dans l’instant et où l’on meurt très jeune de mort violente, Fusée est l’homme du temps : celui qui transmet (l’instance du récit) et celui qui fixe l’instant. Ainsi Petit Zé, comme vaguement conscient d’une mort proche, lui demande d’ailleurs de le prendre en photo avec ses potes, arborant fièrement leurs armes comme pour immortaliser l’instant et aussi pour avoir sa photo dans le journal. Mais c’est bien sûr le personnage de Petit Zé qui est la grande figure du film. Rarement on aura vu un personnage de « méchant » aussi réussi et convaincant, si ce n’est le personnage de Joe Pesci dans Les Affranchis : à la fois terrifiant et touchant, odieux et drôle, psychopathe et innocent, criminel et enfantin. Une sorte de prince du mal qui sème la mort avec une sorte de naturel et de facilité déconcertante, en toute innocence presque. Dans la première partie du film, on le voit enfant, au cours d’une scène glaçante, tirer en rigolant sur les membres d’un hôtel et les tuer un à un, sans raison, pour le plaisir. Et pourtant Meirelles parvient à lui donner une humanité, notamment à travers sa relation d’amitié passionnelle avec Carotte, son ami d’enfance, le caïd le plus zen de la cité dont le calme tempère son ardeur. Lorsque celui-ci meurt d’une balle perdue dans une discothèque, l’immense détresse qu’il éprouve est parfaitement rendue, et nous bouleverse. C’est bien le seul moment du film où l’on voit ce personnage, par ailleurs mal à l’aise avec les filles, comme souvent les grands criminels de cinéma, éprouver des sentiments.

  La Cité de Dieu (c) D.R.

Au fond, le grand intérêt de Cidade de Deus, au delà de ses qualités de film de gangsters, tient à la façon dont il révèle le mécanisme infernal et infini de la violence, condamnée à se répéter encore et toujours.  Elle repose sur le ressort universel de la rivalité mimétique : ces gosses des rues passent leurs temps à s’entretuer non parce qu’ils sont différents mais parce qu’ils sont les mêmes et qu’ils désirent ce que désirent les autres. Petit Zé finira abattu, non par la police qui le couvre, mais par des gamins des rues qui lui ressemblent. C’est déjà ce que tendait à montrer La vierge des tueurs de Barbet Schroeder, où les deux jeunes criminels, proches à bien des égards des jeunes de La cité de Dieu, s’avéraient identiques. Dans ce type de communauté, il y a une composante homosexuelle évidente qui structure les rapports sociaux, et l’on remarque l’absence quasi totale des filles. C’est que celles-ci, amantes ou mères, portent des valeurs de douceur et de paix, qui risquent d’interrompre ce processus de la violence. Lorsque Carotte noue une liaison avec une fille, il s’éloigne irrémédiablement de Petit Zé et semble de plus en plus enclin à la non violence. Mais le film montre aussi comment, dans ce processus-là, le temps est comme arrêté, saisi dans la fureur de l’instant, pris dans le cercle sans fin de la violence , dans la perpétuelle répétition du crime et de la vengeance. Autrement dit, c’est une communauté qui ne s’inscrit pas dans une continuité, dans une chaîne, dans une tradition : elle est aussi irrespectueuse du passé qu’indifférente à l’avenir. C’est une société de jeunes, voire d’enfants, qui ne tient pas compte des aînés, privé de pères : « les pères, ca ne dit que des conneries » dit l’un des personnages au début du film. Fusée est celui qui, de lui-même, interrompt ce mécanisme infini (c’est aussi pour ça qu’il survit à tout ce massacre) puisqu’il ne venge pas son frère tué par Petit Zé. À ce sujet, le film ne se berce pas d’illusions, n’ignorant pas la situation actuelle du Brésil, même si un changement de Président laisse planer certaines espérances, et finit sur une scène relativement pessimiste, du moins fataliste : des enfants armés de flingues arpentent la rue, évoquant leurs projets de meurtre sur des membres de gangs rivaux.



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Titre
: La Cité de Dieu
Titre VO : Cidade de deus
Réalisateur : Fernando Meirelles, Katia Lund
Scénariste : Braulio Mantovani
D'après l'oeuvre de : Paulo Lins
Acteurs : Alexandre Rodrigues, Douglas Silva, Phelipe Haagensen, Leandro Firmino Da Hora, Seu JorgeManu, Jonathan Haagensen
Directeur de la photographie : Cesar Charlone
Compositeur : Antonio Pinto
Monteur : Daniel Rezende
Producteur : Walter Salles
Production : 02 Filmes, VideoFilmes
Distribution : Mars Distribution
Interdit aux moins de : 16 ans
Date de sortie : 12 Mars 2003
Pays : Film brésilien
Année : 2002
Durée : 2h 15mn