La réussite ne se résume
heureusement pas à une adaptation fidèle d’un roman culte. C’est
surtout la force d’un film personnel qui ne manque jamais d’inventivité
sur le plan formel (on est pas si loin d’un Aronofsky) à l’instar
du fameux split-screen qui scinde l’écran en deux images pour
au final n’en faire plus qu’une. C’est aussi un film cru qui
dit clairement ce qu’il pense de la sexualité de ses protagonistes.
Quand Avary décide de montrer des ados en train de mater un
film porno, il montre l’extrait, alors que d’autres cinéastes
se seraient contentés de le suggérer. On pourrait lui reprocher
d’en faire trop dans la provocation. Mais c’est justement en
transgressant les tabous que le cinéaste parvient à rendre palpable
la futilité, la médiocrité ambiante et la singulière horreur
dans laquelle nos héros se complaisent.
Les ados, ici, font style de ne
s’intéresser qu’aux histoires de cul et aux soirées fin
du monde alors qu’en fait ils crèvent d’envie d’exprimer
leurs sentiments et attendent tous secrètement le prince
charmant qui saura les comprendre. Les lois de l’attraction
est un film sur les faux espoirs et les histoires d’amour
manquées. Accessoirement, c’est une œuvre viscérale et touchante
qui distille une mélancolie diffuse, un peu à la manière
de Sofia Coppola et de son exquis Virgin Suicides,
voire pourquoi pas, dans un registre mineur, de l’excellent
Memento Mori, film sud-coréen sorti trop discrètement
l’an passé, qui lui aussi autopsiait les amours adolescentes
avec une grande acuité. Les personnages de cette fiction
sont pathétiques et rongés par des démons intérieurs qui
les turlupinent sérieusement. Au départ archétypaux, ils
nous deviennent plus attachants lorsque le cinéaste décide
de nous faire voir la personnalité qui se cache sous leur
arrogante apparence. Dans sa dernière partie, le film prend
une tournure tragique inattendue qui vient quelque peu secouer
l’artificialité du début et provoquer un très beau contrepoids.
C’est à partir de cet instant que les héros de notre teenage
movie a priori blafard commencent à penser par eux-mêmes
et à réaliser la vacuité de leur propre existence, qui jusque-là
n’était constituée que de dragues primesautières, de soirées
faussement cool et de gang bang minables.
Pourvu d’impressionnants effets de mise en scène et d’une
excellente bande-son, Les lois de l’attraction est
contre toute attente une très bonne surprise. Objet surprenant
qui annihile les poncifs, rit sournoisement et se moque
joyeusement des icônes (James Van Der Beek, incroyable,
casse brillamment l’image de son Dawson trop clean pour
être honnête), ce grand film sur l’adolescence dissèque
sous son apparence joviale et fun le malaise ado et enregistre
des choses infiniment plus stimulantes que tant d’autres
fictions censées causer de l’âge ingrat. En un mot : bravo.
Titre : Les Lois de l'attraction Titre VO : The
Rules of attraction Réalisateur :
Roger Avary Scénariste :
Roger Avary D'après l'oeuvre de :
Bret Easton Ellis Directeur de la photographie :
Robert Brinkmann Costumière :
Louise Frogley Chef décoratrice :
Sharon Seymour Acteurs : James
Van Der Beek, Shannyn Sossamon, Ian Somerhalder,
Jessica Biel, Clifton Collins, Faye Dunaway,
Thomas Ian Nicholas, Kip Pardue, Clare Kramer,
Eric StoltzMr, Colin Bain, Joel Michaely, Skyler
Stone, Jay Baruchel, Kate Bosworth, Fred Savage,
Swoosie Kurtz, Russell Sams Producteur exécutif :
Samuel Hadida Producteur :
Greg Shapiro Production :
Lions Gate Films Inc Distribution :
Metropolitan FilmExport Sortie : 12 Mars 2003 Interdit aux moins de :
16 ans Année : 2001 Durée : 1h 50 Pays : USA