PORTRAIT ARIDE
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Le portrait est une discipline artistique
et journalistique à part entière. En peinture, qu'il soit
auto ou allo, il constitue un genre majeur. Qu'est-ce que
La Joconde de Leonard de Vinci, sans conteste le
tableau le plus célèbre du monde, si ce n'est que le portrait
d'une femme ? Dans les médias, il connaît également un certain
succès. A la télévision, les documentaires à dimension historique
ou sociologique adoptent de plus en plus le style du portrait.
Dans la presse écrite, il est devenu une rubrique importante.
Le portrait qui occupe chaque jour la dernière page du quotidien
"Libération" est l'une des chroniques majeures
de la presse française. Son attrait auprès des lecteurs
est tel que l'année dernière "Le Monde" a décidé
d'en insérer un dans sa nouvelle formule.
Au cinéma, le recours au portrait est moins usité. Peu de
cinéastes se risquent à évoquer pendant un minimum d'une
heure et demie la vie d'un seul et unique protagoniste.
Pour son film La traversée, sorti en salles en 2001
et sélectionné pour la Quinzaine des réalisateurs du Festival
de Cannes de la même année, Sébastien Lifshitz avait suivi
le voyage de son amant parti rechercher chez l'Oncle Sam
un père qu'il n'avait jamais connu. Le dispositif adopté
à l'époque par le jeune réalisateur est assez proche de
celui adopté par Claire Simon dans Mimi. Dans les
deux cas, l'utilisation d'une caméra DV permet de coller
au plus près l'intimité des personnes filmées. Dans les
deux cas, le côté affectif du regard est primordial.
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Sébastien Lifshitz filme son compagnon,
Claire Simon filme l'une de ses amies. Leurs longs-métrages
respectifs intègrent dans leur construction cet angle sentimental.
Dans Mimi, Claire Simon multiplie les gros plans
sur les mains ou le visage de son héroïne. Cherchant à souligner
de l'objectif la beauté de la niçoise quinquagénaire dont
elle a décidé de raconter la vie. De manière similaire,
dans La traversée, le choix du cadre suffit à montrer
l'amour qui lie le réalisateur à son personnage principal.
Par une particularité spatiale indéfinissable, une manière
de filmer l'Autre inexplicable, les images de l'amant de
Sébastien Lifshitz suggèrent le rapport plus qu'amical qu'ils
entretiennent hors caméra.
Ces deux films se ressemblent donc, ils tentent tous deux
de réaliser une sorte de portrait sur pellicule, mais leur
approche narrative est rigoureusement différente. Dans La
traversée, Stéphane Lifschitz s'appuie sur un événement
précis, limité en durée et qui, même s'il dévoile beaucoup
de la structure psychologique de l'individu observé, n'en
offre pas moins une vue parcellaire de sa personnalité profonde.
Ce que l'amant de Sébastien Lifshitz montre de lui, de son
caractère (une peur viscérale des chiens, une timidité exacerbée...)
pendant cette courte période, en tout point exceptionnelle
pour lui, ne donne forcément qu'une image tronquée de ce
qu'il est en réalité. Et c'est bien là le propos du film
de Sébastien Lifshitz, suivre les réactions d'une personne
face au choc de retrouvailles familiales.