ETRE OU NE PAS ETRE … ENTHOUSIASTE
Alors qu’en Italie, Pinocchiode
Benigni est un triomphe commercial, l’acteur réalisateur italien
essuie en France et aux USA de violentes critiques (non
loin parfois de l'attaque personnelle) - unanimement contre
sa vision dite « traître » (selon certains) du mondialement
célèbre livre de Carlo Collodi. Ratage ?
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Pinocchio n’est plus un petit garçon,
mais un clown quinquagénaire du nom de Roberto Benigni, il
suffisait d’y penser. C’est Fellini qui d’ailleurs y pensa
le premier souhaitant réaliser Pinocchio avec Benigni
dans le rôle-titre (Fellini surnommait affectueusement Begnini
« Pinocchieto ») mais mourut avant de pouvoir réaliser
son vieux rêve. Begnini rend ici clairement hommage à son
maître - pour qui il avait tourné La voix de la Luneen
1989. Curieusement, cela rappellera à certain(e)s l’hommage
de Spielberg rendu à Kubrick qui réalisa récemment, lui
aussi, le rêve de son maître disparu Stanley Kubrick à travers
le décrié (là aussi) A.I. (2001).
Passation de pouvoir, l’élève remplace le mentor. Un rapport
filial au cœur même de Pinocchio et de A.I.
(par ailleurs adaptation futuriste de Pinocchio). Mais
que ce soit Spielberg ou Benigni, l’hommage au maître n’en
est pas moins l'affirmation d’un style singulier et de l'indépendance
du fils. En réalisant Pinocchio, Benigni n’a pas eu la prétention
et la faiblesse de donner dans l’étrangeté morbide ni dans
la folie mélancolique et ambiguë (comme on aurait pu s’y attendre
avec Fellini). A contrario, Benigni revendique haut et
(très) fort sa nature bouffonne et survoltée, ne cache pas
sa joie de vivre électrique et ne trahit pas son enthousiasme
légendaire. Pinocchio de Roberto Benigni, c’est du
Benigni.
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Certes, nous pourrons toujours préférer
Les Aventures de Pinocchio (1971-1972) de Luigi Comencini
pour sa noirceur et son intimisme poétique, mais on ne peut
reprocher à Benigni sa sincérité et son énergie. Là où Comencini
filme au-delà de l’enfance et de la candeur joyeuse (car
il filme la boue, la pauvreté, la saleté, la détresse et
l’abandon), Benigni, lui, chante surtout la vie, la Toscane
(très beaux plans de paysage) et remue ciel et terre en
galopant comme un fou sorti de sa boîte (avec un corps aussi
libéré qu’au temps du muet). Benigni n’a donc heureusement
pas cherché à copier, à refaire, à redire, mais a sorti
tout ce qu’il pouvait donner de lui dans le déchaînement,
précisément.