Toutefois, la véritable force du
scénario vient plus de sa façon de considérer le métier
de scénariste que de sa mise en abîme qui est amusante tout
en restant formelle.
Ce que Kaufman retranscrit avec soin, c’est le dilemme et
l’angoisse dans lesquels est pris aujourd’hui tout scénariste
(et plus particulièrement hollywoodien), tiraillé entre
le désir de faire de l’art et la tentation de succomber
aux produits formatés hollywoodiens répondant avant tout
aux normes de rentabilité.
Une dichotomie symbolisée par l’invention du frère jumeau
Donald, qui n’existe pas puisqu’il n’est que le produit
des conflits intérieurs de Charlie.
Donald tente de construire son scénario comme un architecte
construit une maison : en reprenant les formules qui
marchent, alors que Charlie essaie d’écrire un bon scénario
mais se retrouve leurré par des nécessités commerciales
afin de survivre. Donald lui intègre les données commerciales
avant même d’écrire son script.
Ainsi, le titre du film, Adaptation,
au-delà de la simple référence à l’acte d’adapter le livre,
fait aussi bien référence aux orchidées qui doivent muter
pour survivre qu’aux scénaristes.
Contre toute attente, à la fin du film, la résistance de
Charlie tombe. Dans le dernier acte, il se fourvoie en utilisant
les techniques « qui marchent », celles qu’il
n’a eu de cesse de contourner dans son adaptation du livre.
Un parti pris risqué mais qui reste efficace dans le cadre
du propos puisque l’on constate avec amertume que cette
formule (aussi violente soit elle) fonctionne. Un vrai sabotage
qui montre avant tout comment il est facile avec quelques
pitoyables formules scénaristiques (retournements et coups
de théâtre) de tromper les spectateurs. Kaufman marque un
but, même s’il perd une partie des spectateurs en changeant
brutalement le rythme de son film en le rendant, un moment,
indigeste.
Si Adaptation se doit d’être vu par tous ceux qui
côtoient le milieu de la création, il vaut aussi le détour
pour ses acteurs, Nicolas Cage en tête. L’acteur est prodigieux
dans les deux rôles : paumé ou idiot. L’humour absurde
lui sied à merveille. Meryl Streep approche les différentes
dimensions de son rôle avec finesse et Chris Cooper fournit
une remarquable interprétation de John Laroche, un clown
très malin.
Parabole sur l’art comme épreuve, Adaptation est
une comédie loufoque, intelligente et névrotique. Garnie
de nombreux éléments satiriques, cette oeuvre inclassable
constitue un honnête témoignage et une passionnante réflexion
sur le métier de scénariste.
Le mérite de Kaufman, au-delà du film, est qu’il réussit
à redonner toute sa place au scénariste d’un film qui est
autant l’auteur que le réalisateur, trop souvent mis en
avant. Un coming-out qui ne laisse pas oublier pour autant
la folle mise en scène de Spike Jonze sans qui Adaptation
ne serait pas.
Titre : Adaptation Réalisateur :
Spike Jonze Scénariste :
Charlie Kaufman et Donald Kaufman D’après le livre :
Le Voleur d’Orchidées de Susan Orlean Acteurs : Nicolas
Cage, Tilda Swinton, Meryl Streep, Chris Cooper,
Jay Tavare, Brian Cox, G.Paul Davis, Roger Willie Producteurs :
Edward Saxon, Vincent Landay et Jonathan Demme Producteurs exécutifs :
Charlie Kaufman et Peter Saraf Superviseur des effets visuels :
Gray Marshall Directeur de la photographie :
Lance Acord Chef costumier :
Casey Storm Compositeur :
Carter Burwell Chef monteur :
Eric Zumbrunnen, A.C.E. Chef décorateur :
K.K. Barrett Décorateur :
Peter Andrus Ingénieur du son :
Drew Kunin Distribution :
Bac Films Date de sortie :
26 mars 2003 Durée : 1h56 Pays : Etats
Unis Année : 2003