Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     


 

 

 

 

 
Femmes en miroir (c) D.R.
FESTIVAL DE CANNES 2002
Sélection officielle

FEMMES EN MIROIR

de Kiju Yoshida
Par Frank CARANETTI


SYNOPSIS : Vingt-quatre ans après la disparition de sa fille dans des circonstances encore inexpliquées, Aï, aujourd’hui âgée, apprend que celle-ci a sans doute été retrouvée par la police. Pourtant le doute subsiste : la jeune femme, amnésique, est-elle réellement Masako ?

....................................................................

POINT DE VUE

  Femmes en miroir (c) D.R.

Pour Kiju Yoshida qui, après bon nombre de ses compagnons de la Nouvelle Vague française aux Cahiers du Cinéma (Truffaut en tête après l’héritage de Doniol-Valcroze), a débuté sa carrière en critiquant pied à pied les films de la génération qui l’avait précédée, l’écriture cinématographique n’atteint littéralement la grâce qu’avec une immersion entière de l’auteur dans son œuvre, contre les films de commande, contre le conformisme qui devait, dans les années 60, prendre possession des grands studios japonais, dont la Sochiku de Shiro Kido.

Ce n’est pas un hasard si en 1969 Kiju Yoshida consacrait un film au révolutionnaire Sakae Osugi (1), dont la tragédie personnelle faisait écho à la fois au tremblement de terre du Kantô qui ravagea le pays en 1923, et à la répression dans le sang des principaux mouvements syndicaux ou anarchistes japonais.

Kiju Yoshida(c) D.R.

Les grandes étapes qui jalonnent la transformation de la société japonaise se lisent ainsi à l’orée de combats individuels. De la même manière que l’engagement de Sakae Osugi allait être repris par ses anciens compagnons d’armes, les ombres qui parcourent Femmes en Miroir, les souvenirs des victimes de la bombe et de leur souffrance impossible à représenter, se superposent à ceux de la jeune femme, disparue après avoir donné naissance à une petite fille, puis réapparue avec le nouveau siècle.

Dans le visage féminin fractionné par le miroir brisé, l’image cassée de Masako - Yohiko Tanaka - impuissante à retrouver son identité dans le visage de la mère, presque entièrement dissimulée par l’ombrelle qui la protège du soleil de Tokyo, l’image ne permet souvent qu’une tentative d’interprétation de la part du spectateur, à la manière du symbole. Le personnage de Masako, à la fois mère et fille, et qui, pense-t-on, permet d’assurer symboliquement la transition entre la génération qui a souffert des bombardements et de la " pluie noire " et celle qui n’a jamais connu ni guerre ni privation, n’apporte pas l’équilibre espéré. Bien au contraire, le retour inespéré rend patentes de trop nombreuses interrogations, et les maigres indices que celui-ci donne de la véritable identité de la femme présentée comme la fille d’Aï ne permettent d’établir aucune certitude, si ce n’est ce lien avec la ville d’Hiroshima.