|
 |
|
|
Celle-ci s’en va au
parc chaque année, à la date précise
de sa disparition, et " enlève "
une enfant pour la journée, sans jamais lui faire de
mal sinon pour jouer, cherchant là, en vain, à
rétablir les liens affectifs que sa mémoire
lui refuse. Chaque individu, dans cette société
pourtant formée par l’esprit d’abnégation de
l’Empire, fait partie d’un large réseau qui dépasse
amplement les rapports sociaux, ou familiaux ; le Japon
que donne à voir Kiju Yoshida intègre aussi
bien le Japon Impérial que le Japon de l’après-guerre,
les vivants que les morts, symbolisés par les ombres
qui passent sur les shôji. Le travail sur la mémoire,
y compris le travail de deuil des victimes de la guerre, ne
permettra la construction d’un pays neuf que dans une réflexion
d’ensemble, prenant aussi bien en compte son passé
figuré par Mariko Okada, que son avenir - Issiki Sae.
Les deux femmes incarnent chacune deux pays finalement assez
dissemblables, avec leurs propres ambitions, leur propre vision
historique. Et si la jeune Natsuki voudrait être la
fille de la vieille Aï Kawase, en réalité
sa grand-mère, cette dernière ne pourra prétendre
à retrouver sa véritable fille qu’en acceptant
sa place dans l’Histoire.
Les nombreuses interrogations que soulève le personnage
de Masako devront amener la famille à se pencher sur
sa propre réalité, jusqu’au départ pour
la ville d’Hiroshima, à l’endroit même où,
après l’explosion qui dévasta presque entièrement
la ville, le Japon Impérial dut choisir entre un dernier
effort de résistance et la capitulation devant la puissance
militaire américaine.(2)
 |
|
|
|
Comme le personnage
de Masako, le Japon de Kiju Yoshida doit, pour revenir à
la vie, bâtir une nouvelle identité après
un choc d’une rare violence. Cette amnésie dont le
personnage qu’interprète Yoshiko Tanaka est la victime,
renvoie à la difficulté, pour la génération
qui suit immédiatement celle qui a survécu à
Hiroshima, d’intégrer pleinement un Japon moderne,
tourné vers l’Occident, et qui, pourtant, est à
sa façon issue de la guerre, non pas seulement malade
de la " pluie noire " mais profondément
traumatisée par des souvenirs qui ne sont pas les siens.
 |
|
1) Eros + Massacre
2) " Si l’Empereur
n’avait pas prononcé son discours pour
adjurer le peuple japonais de déposer les
armes, et si, au lieu de cela, il avait appelé
à l’Honorable Mort des Cent Millions, ces
gens de la rue de Soshigaya auraient probablement
fait ce qu’on leur disait et ils seraient morts,
et moi j’aurais probablement fait la même
chose. Le Japonais considère l’affirmation
de soi comme immorale, et le sacrifice personnel
comme une façon raisonnable de conduire
sa vie ". In Akira Kurosawa, Comme
une Autobiographie, Petite Bibliothèque
des Cahiers du Cinéma, traduction de Michel
Chion.
|
|
 |
|
Titre : Femmes en Miroir
Réalisateur :
Kiju Yoshida
Scénario :
Kiju Yoshida
Acteurs : Mariko
Okada, Yoshiko Tanaka, Sae Issiki, Hideo Murata,
Tokuma Nishioka
Producteurs : Shinichi
Takata, Takumi Ogawa, Philippe Jacquier, Yutaka
Shimomura
Musique : Keiko
Harada et Mayumi Miyata
Pays : France,
Japon
Sortie : 02 avril
2003
Année :
2001
Durée :
2h09
|
|
|