De la même manière, Le Chemin de la
liberté bénéficie d’une recherche sonore aiguisée, capturant
multitudes de pointillés (aborigènes ?). Outre la partition
riche et organique de Peter Gabriel, une dizaine de personnes
ont travaillé sur la bande sonore du film : ainsi lorsque le
vent fait claquer les parois de taule de la mission, nous entendons
presque les touches frappées d’une machine à écrire. La violence
des sons coupe brutalement les scènes du film, illuminant toujours
ce qui suit. La bande-son met réellement en valeur le montage
du film en séparant nettement chaque image pour mieux en interroger
la substance, la densité, l’isolement profond. La dureté des
séparations. Pourtant, la longue barrière à lapins (longue cicatrice
de milliers de kilomètres dans le paysage) est dans le film
la boussole paradoxale de ces trois petites filles (n’oublions
pas que le titre original est Rabbit proof fence).
Mais nous retiendrons peut-être la grande déchirure du tout
début, de ces mères en pleurs. On vient de leur enlever leurs
filles. Mères hurlantes, effondrées au sol. La terre et ces
femmes ne forment alors plus qu’un seul horizon, une seule ligne
de démarcation. Ces mères venaient de mettre en garde leurs
filles de ne jamais « abîmer les traces » de pas sur la terre.
Un conseil qui leur vaudra plus tard d’échapper à leurs poursuivants.
Tout le film est cette traque de traces. Et le refus suprême
de ces trois filles métisses de se laisser enfermer dans cette
mission annihilante. Dans leur fuite, comble de l’ironie, les
filles effaceront derrière elles leurs traces de pas pour éviter
leur capture et la perte de leur racine. Devoir « abîmer » les
traces pour ne pas voir effacer une race tout entière. Nous
en sommes là.
Titre
: Le chemin de la liberté Titre VO :Rabbit
proof fence Réalisateur : Phillip
Noyce Scénariste : Christine
Olsen D’après l’œuvre de :
Doris Pilkington Acteurs : Everlyn Sampi,
Tianna Sansbury, Laura Mongahan, Kenneth Branagh,
Ningali Lawford Directeur de la photographie
: Christopher Doyle Producteurs : Phillip
Noyce, Christine Olsen Compositeur : Peter
Gabriel Distributeur : Bac Distribution Sortie : 23 avril 2003 Durée : 1h34 mn Pays : Australie Année : 2001