Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     


 

 

 

 

 
Long Way Home (c) D.R. FESTIVAL DE CANNES 2003
Un certain regard 2003

LONG WAY HOME

de Peter Sollett
Par Romain LE VERN


SYNOPSIS : À Lower East Side, à New York, en plein été, Victor, seize ans, sa soeur Vicky et son frère Nino, partagent la même chambre de l'appartement dans lequel ils sont élevés par leur grand-mère. Cette émigrée de longue date de la République Dominicaine porte sur eux un regard attentionné et vigilant, plus sévère à l'encontre de Victor, qui, à ses yeux, a une influence néfaste sur la famille. Par une chaude après-midi, Victor, qui se veut un séducteur irrésistible, fait bientôt la rencontre de Judy et de Melanie, sa meilleure amie. Judy est une beauté mystérieuse, tous les garçons du quartier tentent de la draguer. Mais celle-ci recherche plus qu'un simple petit ami, quelque chose de vrai, d'exceptionnel. Entre l'exaspération de sa grand-mère, l'admiration de ses frères et soeur et le regard de Judy, Victor s'achemine sur la voie de la responsabilité.

....................................................................

POINT DE VUE

  Long Way Home (c) D.R.

Ne vous fiez pas à l’affiche qui met en évidence deux ados a priori clean sur eux, ni à la bande-annonce qui laisse présager le pire dans le genre «teenage movie» lourdingue. Long Way Home, première fiction de Peter Sollett, est tout sauf ça. L’adolescence, moment crucial s’il en est, est un thème qui a trop souvent été sacrifié à des hordes de teenage movie bêtas, qui préféraient rire grassement sur le sujet plutôt que d’inviter le spectateur à la méditation intelligente. Long Way Home emprunte paradoxalement la seconde voie, même si a priori rien n’était gagné d’avance.

La première scène est certainement la plus représentative de l’effet de surprise recherchée. Victor, jeune ado comme les autres, soit un peu trop dragueur et arrogant, se désape intégralement… Sous les beaux yeux d’une fille canon ? Perdu : il s’agit de la fille « la plus moche du quartier ». Il se rend compte que tout le monde sait qu’il a eu une liaison avec cette dernière et, du coup, décide de prouver qu’il peut également séduire une fille canon, et pourquoi pas, Miss Judy, qui bizarrement se refuse aux autres... Voilà le vaste dilemme que semble nous proposer le début du film. Et c’est un dilemme prologue trompeur, qui fait mine d’inviter l’adolescent lambda sur le terrain de la comédie potache pour en vérité le transporter ailleurs.

Long Way Home (c) D.R.

Le film évolue en même temps que ses personnages. Au départ simplistes, ils gagnent tous en ambiguïté, en nuances, en subtilité, pour au final nous ressembler et nous toucher au plus profond. Long Way Home est un récit initiatique qui passe par des phases douloureuses mais qui, quand on en arrive au bout, se révèlent touchantes. C’est également une comédie, jamais gratuite, jamais graveleuse, sans pour autant être consensuelle. Loin des clichés, elle cherche juste à acquérir une authenticité universelle et à enregistrer le désir brut, les échanges amoureux, l’émulation entre potos, les histoires de « mytho » qui bouleversent la vie de l’ado qu’on a tous été.

A la vue du quartier où se situe l’action du film, certains pourront d’emblée reprocher au cinéaste d’avoir éludé la violence (a priori) inhérente aux fictions traitant des zones sensibles. Mais Peter Sollett voue ne jamais l’avoir connue, aussi paradoxal que cela puisse paraître. Donc pourquoi tomber dans le piège du cliché vain et de la surenchère sociale? Le film se suffit à lui-même, et aux expériences rapportées de chaque membre de l’équipe (acteurs, scénaristes) qui ont mis leur vécu dans un scénario éminemment robuste (cf. interviews). Cela n’en fait pas l’ombre d’un doute, tant la structure narrative est d’une justesse exemplaire. Tout fonctionne sur la notion de groupe et de communauté. Les interprètes sont, par exemple, si bien dirigés qu’on a plus l’impression d’avoir affaire à un documentaire qui filme les déambulations de Victor qu’à un film.