SYNOPSIS:
En l'an 2001, on ne se bouscule pas au Paradis. Dieu est déprimé
et sur le point de tout laisser tomber. Les couloirs de l'Enfer,
par contre, grouillent de monde. Les dirigeants du Ciel et de
l'Enfer (Fanny Ardant et Gael Garcia Bernal) sont engagés dans
une compétition où le chiffre d'affaires se compte en nombre
d'âmes. Le Paradis peut être sauvé de la faillite s'il parvient
à assurer le salut de Many Chaves (Demian Bichir), un boxeur
sans le sou. Au centre des convoitises, il est tiraillé entre
les forces du Bien et du Mal par deux anges dépêchés à ses côtés
: Lola Nevado (Victoria Abril), envoyée du Paradis, et Carmen
Ramos (Penelope Cruz), agent double infernal.
Sans nouvelles de Dieu
est un bon film, divertissant et intelligent. Un film de scénariste,
avec une histoire qui, à première vue, pourrait donner lieu
à une mauvaise comédie ou à des clichés manichéens. Agustin
Diaz ne montre pas seulement une lutte entre le Bien et le Mal,
avec d'un côté les bons, de l'autre les méchants. Il fait coexister
les deux forces en montrant que l'une ne peut pas exister sans
l'autre. Comme deux enfants sur une balançoire, il faut des
poids relativement égaux pour établir un équilibre. Si le Paradis
est dépeuplé, l'Enfer croule sous le poids de la masse humaine.
L'un n'est rien sans l'autre, comme le positif et le négatif
d'une pellicule.
Autre point positif, le cinéaste espagnol a su s’inspirer de
son mentor, Billy Wilder, qui comme l'écrivait Claude Beylie,
savait «prendre un cliché répandu et montrer l'autre face
de la médaille». Pour créer l'atmosphère sulfureuse du Paradis,
transformé en cabaret, Agustin Diaz s'est clairement inspiré
de films américains et français de l'après-guerre, Visconti,
Truffaut... Dans cet exercice de style, le Paradis est en noir
et blanc, comme pour s'isoler de la souffrance du monde, tandis
que le réalisme de la Terre et de l'Enfer s'exprime crûment
en couleurs. Le cru a tout de même sa place dans les hautes
sphères puisqu'on a le loisir de surprendre la nudité de Victoria
Abril dans son numéro de diva, qui rappelle sans détours la
torride Rita Hayworth dans Gilda.
Abril , femme fatale
Bien que l'actrice espagnole ne soit
pas rousse, elle a de nombreux points communs avec Hayworth.
Les deux actrices ont une formation de danseuse, Rita Hayworth
- de son vrai nom Rita Cansino - a des origines espagnoles,
et elles poussent toutes les deux la chansonnette. Les Français
l'ignorent peut-être, mais Victoria Abril a sorti plusieurs
albums dans les années 1970, et s'apprête à dévoiler un nouveau
disque intitulé Interlocal. Dans Sans nouvelles
de Dieu, elle interprète de façon assez convaincante une
bossa nova de Jobim, Meditaçao, et surtout I
Want to be Evil, de la chanteuse noire Eartha Kitt. Dans
cette dernière scène, tournée en une seule prise, Victoria
Abril monte sur les tables, dévoile ses jambes, et même plus,
et termine allongée tête en bas, comme alanguie au pied des
escaliers qu'elle sait descendre avec tant de grâce, façon
diva...
Clairement, cet ange-là est tout sauf asexué. Voilà l'ironie
instaurée par Agustin Diaz : comment une femme fatale peut-elle
sauver l'âme d'un faible mortel (son mari de surcroît) ? Le
péché de chair est bien sûr inévitable... Cette ironie correspond
au caractère même de Victoria Abril, connue pour son sens
de la provocation et ses prestations érotiques. Il s'agit
en fait de la cinquième collaboration entre Agustin Diaz et
Victoria Abril, qui avait été récompensée à Cannes en 1995
pour le film précédent du cinéaste espagnol, Personne ne
parlera de nous quand nous serons mortes. Après ce succès,
il a pensé que les anges ne pouvaient être que Victoria Abril
et Penelope Cruz, et les rôles ont été écrits sur mesure pour
elles. La collaboration risque de se poursuivre puisque la
fin ouverte de Sans nouvelles de Dieu laisse présager
une suite avec Victoria Abril aux côtés de Javier Bardem,
la star montante du ciné espagnol remarqué récemment dans
Les Lundis au soleil, The dancer upstairs, Avant la nuit.