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Une comédie féministe et politique

  Sans nouvelles de Dieu (c) D.R.
Sans nouvelles de Dieu , nominé pour onze prix Goya lors de sa sortie en Espagne il y a deux ans, est reparti bredouille. Peut-être le jury ne partageait pas le même enthousiasme que moi pour cette comédie féministe et politique, qui critique l'impérialisme américain de façon parfois un peu caricaturale. Ce n'est pas un hasard si le film commence avec la chanson de Dylan, We live in a political world. De nombreuses répliques et clins d’œil ne cachent pas le sentiment d'Agustin Diaz. C'est comme si le faste des années 1950, où l'espoir d'un monde meilleur était encore possible, avait laissé place à un monde corrompu jusqu'à la moelle. Quand Lola dit qu'elle connaît bien la nature humaine pour avoir fait de la politique dans sa vie antérieure, Carmen s'étonne. Comment imaginer qu'un politicien trouve sa place au Paradis ? La désillusion est si cruelle, ces jours-ci... Mais Lola répond simplement : « C'était une autre époque ».

L'humour caustique de Diaz n'épargne pas les condamnés à l'Enfer, bien sûr. Parmi la populace arrivant à Checkpoint Charlie, la porte d'entrée infernale, on trouve un responsable du FMI qui ne tarde pas à soudoyer les pauvres hères qui l'entourent, et se retrouve administrateur financier du nouveau système infernal. Les sous-fifres de Davenport, le grand patron de l'Enfer interprété par Gael Garcia Bernal, veulent réformer le mode de fonctionnement de cette grande entreprise, au risque de provoquer la perte du Ciel, son grand concurrent.

Sans nouvelles de Dieu (c) D.R.
La domination américaine, associée aux forces du Mal monopolistiques, fait écho au thème de la xénophobie, constamment en filigrane dans le film. Lorsque Davenport refuse à son administration d'installer l'air conditionné dans les bureaux (on est en Enfer ou on ne l'est pas...), ceux-ci le traitent de «sale étranger». Malgré son nom aux consonances anglophones, Davenport parle en effet un anglais teinté d'espagnol et lance des injures en chilango, l'argot mexicain. La volonté d'Agustin Diaz de faire parler ses acteurs (dont la majeure partie sont hispanophones) avec un fort accent latino revient à les présenter dans la situation inconfortable de celui qui est contraint de parler anglais dans son milieu de travail. Selon une lecture plus large, cela évoque aussi le statut d'une partie grandissante de la population mondiale, forcée à l'exil économique aux Etats-Unis et s'exprimant tant bien que mal dans la langue de Shakespeare.


Les femmes, des anges ?

Le côté féministe du film est évident dès que l'on prend conscience que les deux « anges » envoyés sur Terre pour rapatrier l'âme de Many-le-boxeur sont des femmes. Many, c'est le macho parfait, enclin à la violence conjugale et à la jalousie maladive. Pour lui, le comble de l'horreur serait que sa femme le trompe, bien entendu, mais pire encore, avec une femme. L'amitié qui se développe entre Lola, sa femme modèle et aimante, et Carmen, sa cousine aux airs de garçon manqué, suscite chez lui une paranoïa délirante, et s'il s'énerve, il crie aux femmes de retourner à la cuisine. Pour Carmen, femme libérée et androgyne, c'est justement cela l'horreur : « Si je rate ma mission, je vais me retrouver femme au foyer au service d'un gros connard de mari qui me traitera comme une serpillière et je devrai endurer ce calvaire pour les cent prochaines années.»