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Va, petite ! (c) D.R. VA, PETITE !
d’Alain Guesnier
Par Nadia MEFLAH


SYNOPSIS : François le marin revient sur la terre ferme. Cela faisait cinq ans qu’il attendait sa belle Irène, en prison pour avoir tué son mari si violent. Ils ont rendez-vous au Phare des Baleines dans cinq jours. À peine débarqué, la menace gronde. Témoin de la brutalité policière envers des pompiers en grève, il s’interpose, au prix de sa liberté. Passé à tabac, emprisonné, toutes ses économies confisquées, il parviendra à s’enfuir pour retrouver son Irène. Mais François « la Poisse » va rencontrer sur son chemin Marie « Pot de Colle », une gamine de douze ans, effrontée fugueuse à la recherche d’un père idéal. Elle n’aura de cesse de le détourner de son chemin initial par ses questions intempestives, son espièglerie et ses rêves d‘un monde sans mensonges. Avec l’aide d’une princesse aux cheveux rouges, de Paulo le pompier et d’un vieil homme faussement bougon, ils vont vivre des aventures rocambolesques.

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POINT DE VUE

  Va, petite ! (c) D.R.

Va, petite ! est le récit d’une initiation à la vie aussi bien pour l’adulte, François le marin dit « la Poisse » que la gamine Marie dit « Marie Pot de Colle ». Tous deux sont de grands rêveurs pour qui le monde est toujours un problème ou une énigme. Lorsqu’il débarque sur terre, François est immédiatement pris dans la violence policière. De cette injustice dont il est à la fois témoin et victime, le héros la vit comme une malédiction intrinsèque à sa nature. Il a vissé au fond du cœur et de ses oreilles la conviction profonde que sa mère ne l’aimait pas, qu’il a le « mauvais œil ». Il y a là une dimension à la fois pathétique et burlesque du personnage, un grand gaillard blond à la maladresse touchante qui ne sait comment exprimer des sentiments.

Face à lui, Marie une gamine à la parole continue pour qui tout est à questionner. Et en premier lieu, la vie ! Forte de son optimisme en l’amour, elle ne cesse d’interroger cet adulte qui ne fait que courir. En fait, Marie est le frein mais aussi le révélateur (au sens photographique du terme) de François, celle par qui il va peu à peu apprendre ce que peut être un enfant, une famille, un père. Il y a un basculement qui s’opère assez vite dans le film où l’enfant devient celui qui tient la main de l’adulte, où le regard de Marie constitue François, en tant que père mais aussi et surtout en tant qu’adulte. Qui a à répondre de ses rêves comme de ses actes ! Marie serait la figure du metteur en scène du film, ou du moins celle par qui l’action arrive. Elle relance le récit à chaque instant menant à la fois François mais aussi le spectateur dans de nouvelles aventures. Impulsion de vie, de surprises, Marie est celle qui accélère ou ralentit le temps au nom d’un idéal : avoir un père, même fictif, même pour de faux.

Va, petite ! (c) D.R.

Une scène splendide nous montre Marie avec dans ses bras un bébé. Cet enfant comme tombé du ciel (citation ou clin d’œil au Kid de Chaplin où l’on voyait deux brigands s’emparer d’une voiture et découvrir dans leur fuite qu’un bébé faisait partie du voyage… tout comme Marie et François !) parachève l’image de la famille idéale. Mais la scène se trouble dans cette représentation d’un baptême. Marie, nue comme le bébé, dit la prière « au nom du Père du Fils et de la Sainte-Marie, je te baptise Alice » et le plonge dans l’eau. Nous sommes exactement dans la configuration chrétienne où l’Enfant constitue la Vérité de tout un chacun (Jésus). Ici, Marie l’enfant devient la mère de Jésus (le bébé volé) mais aussi de François, le mauvais fils mal aimé. L’eau donne la vie et inscrit cette famille recomposée dans une filiation sacrée et humaine. Par ce geste hautement symbolique, l’enfant Marie nous dit son attachement profond au lien, à la parole et à l’acte.

De même, elle devient la fille de la princesse aux cheveux rouges allant jusqu’à prendre dans son corps l’identité de cette femme qui les recueille dans sa ferme pour une nuit. Si l’on file la métaphore chrétienne, la sorcière qui est une fermière aristocrate serait Marie Madeleine, celle qui aimât Jésus en tant que femme. Et de cette union, Marie l’enfant semble légitimer ce couple d’une nuit.