Ni documentaire, ni fiction,
La Caja Negra est un film que l’on peut appeler « humaniste » :
il se questionne sur les fondements de l’être humain, aussi
bien individuellement que socialement. Il lie trois générations
et recrée une famille sans la moindre parole ni la moindre ressemblance
physique. Il recrée le lien invisible et étrange qui unit les
êtres du même sang entre eux.
Problématisant le
quotidien, Luis Ortega s’interroge sur les gestes naturels :
se laver, travailler, se coiffer, manger, parler. Si, pour
la grand-mère, parler, c’est-à-dire aller de l’intérieur vers
l’extérieur, est naturel et constant, manger (aller de l’extérieur
vers l’intérieur) devient plus difficile : il faut manger
froid, puis chaud, peu, puis beaucoup. A l’inverse, le père
avale la soupe qu’on lui donne mais communique difficilement,
hanté par son corps vampirisant. La bouche devient alors un
lieu fantastique, aussi bien attirant que repoussant. Elle
est le lieu qui ouvre sur le corps, par lequel on peut entrer
et découvrir le mystère de l’humanité, mais aussi un lieu
qui fait peur, qui peut émettre les pires sons comme les plus
douces paroles. Par la bouche se nouent les questionnements
du réalisateur et le mystère de la vie humaine.
Entre ces deux corps singuliers et ces deux bouches complémentaires,
Dorotea s’adapte à chacun, tentant de les rassembler lors
d’un dîner silencieux, elle au visage et au corps flottant
entre enfance et féminité, faisant la jonction entre les deux
figures, un point d’équilibre.