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Pour la première fois on assiste aux réunions
de production, aux discussions financières, à la construction
des décors et autres préparatifs habituellement évincés des
making-of qui s’intéressent plus à l’objet filmique qu’à son
idée… Quel dommage !
On entre partout, dans les plans de travail et dans les dossiers,
dans les réserves et dans les caisses de costumes : on
fouille, on fait partie de l’équipe, on sait tout ou presque car
comme cette dernière, on ne sait pas à quoi ressemblera le
film, et même si l’on arrive à pénétrer l’imagination de Terry
Gilliam, à sentir son enthousiasme ou son désespoir face à
son rêve qui s’évanouit, il est le seul à pouvoir se le projeter.
Si le film original se présentait dès le départ comme une
entreprise folle, voire irréalisable, le making-of, lui aussi,
devient une quête impossible : faire le film d’un film qui
n’existe pas bien sûr, mais aussi faire voir et ressentir
l’invisible : l’intérieur du génie. Non plus seulement
l’envers du décor mais un peu de son matériau de construction.
Et tout y concourt : la caméra de Keith Fulton et Louis
Pepe qui sait se faire oublier et pénètre au plus profond
de l’intimité du réalisateur jusqu’à lire sur son visage,
mais aussi des détails comme des séquences animées façon Gilliam
pour les Monthy Python, petits dessins délicieusement
kitsch dont l’humour potache transpire involontairement dans
le réel (comme, par exemple, quand l’équipe découvre le soi-disant
studio insonorisé qui n’est en fait qu’un vulgaire garage
où les bruits de pas résonnent comme en enfer).
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Dans la peau de Terry Gilliam, on pleure
pourtant plus qu’on ne rit. Du déluge en plein été au masque
de douleur sur le visage d’un Jean Rochefort incapable de
monter à cheval, les catastrophes s’accumulent comme le long
d’un terrible chemin de croix auquel on assiste impuissants.
Après tant de déboires, le parallèle est aisé entre le personnage
et le réalisateur. Et comme le précise ce dernier, on préfère
Don Quichotte fou plutôt que raisonnable.
De même, la vision d’un Terry Gilliam abattu nous est insupportable :
le film fini, on traîne hagard dans les couloirs du cinéma
et on arrive par hasard vers la sortie. Le phare qui nous
guidait est comme éteint.
Une seule conviction cependant : personne n’a tué Don
Quichotte, au contraire : son mythe perdure dans l’imagination
de chaque artiste, qui, en continuant de tourner malgré les
échecs, donne de l’eau aux moulins de nos rêves.
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Titre :
Lost in la mancha
Réalisation et
scénario :
Keith Fulton et Louis Pepe
Acteurs : Terry Gilliam,
Johnny Depp, Jean Rochefort, Vanessa Paradis,
Jeff Bridges
Productrice : Lucy
Darwin
Montage : Jacob
Bricca
Image : Louis
Pepe
Musique : Miriam
Cutler
Narrateur : Jeff
Bridges
Animation : Stefan
Avalos, Chaim Bianco
Distribution :
Haut et Court
Durée : 1h29
Année : 2001
Pays : Angleterre
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