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A cinq heures de l'après-midi (c) D.R. A CINQ HEURES
DE L’APRES MIDI

De Samira MAKHMALBAF
Par Jean-Michel WINGERTSMANN


SYNOPSIS : Après la chute du régime des talibans en Afghanistan, la vie reprend son cours dans un pays dévasté par la guerre, entre l’espérance nouvelle pour les femmes, encore soumises au tchadri qui accompagne leur accès à l’enseignement, et la persistance des entraves traditionnelles entourant le noyau familial. Une femme décide de devenir présidente de la République…

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POINT DE VUE

  A cinq heures de l'après-midi (c) D.R.

Samira Makhmalbaf, jeune cinéaste iranienne – virtuose - de 23 ans a, pour son troisième long métrage - après La Pomme en 1998 et Le Tableau noir prix du jury au festival de Cannes en 2000 -, installé sa caméra dans le Kaboul de l’après régime des talibans. A cinq heures de l'après-midi s'inscrit dans la continuité de son court métrage réalisé pour le projet collectif 11’09’01. Son dernier film est une manière de répondre aux « fausses informations propagées par le tourbillon frénétique de la politique et des médias » et renvoie aussi à l’œuvre réalisée par son père : Kandahar. Elle montre ainsi les tourments d’un Afghanistan débarrassé des talibans, écartelé entre la persistance de l’influence des traditions et son aspiration à la liberté. La cinéaste sous-tend son propos par une mise en scène construite autour de symboles, contrebalancés par des moments d'humour fugitifs qui laissent paraître une sensibilité authentique pour l’humain. Les acteurs, s’ils sont non professionnels, n’en sont pas moins remarquables, notamment la performance saisissante de Noqreh (Agheleh Rezaie) interprétant une afghane opiniâtre et résignée. Ce personnage principal féminin « a été très difficile à trouver car les Afghanes ne voulaient pas montrer leur visage ». La réalisatrice raconte que lorsqu’elle demandait « aux jeunes filles et aux femmes si elles voulaient jouer dans le film, elles rougissaient et s’enfuyaient, car jouer signifiait danser, et que c’était contraire à leur culture traditionnelle ».

Samira Makhmalbaf met en scène avec poésie le destin de trois personnages (le père, la fille, la belle fille) avec pour écho les quelques vers d’un poème de Garcia Lorca « A cinq heures de l'après-midi ». Le père incarne le passé, la vieille génération vivant un islam traditionnel. Sa belle fille, avec son enfant agonisant, qui espère vainement le retour de son mari, personnifie le présent, à savoir une population meurtrie par la guerre. Noqreh, rêve d’émancipation et veut transformer la société, symbolise le futur.

A cinq heures de l'après-midi (c) D.R.

Ici, les femmes sont contraintes de respecter de nombreux interdits : se voiler en présence des hommes, ne pas danser pour dissimuler leur beauté, « ne pas se montrer fait également parti de leur culture ». Les hommes, s'ils voient un visage «nu», se retournent et font face à un mur, et comme le clame le père : «dis aux hommes pieux de fermer les yeux». Ce dernier qui est un homme religieux, pieux, affirme que le « blasphème est partout dans la ville », depuis la chute des talibans. L’héroïne est tiraillée entre son quotidien difficile, dominé par la survie et son désir d’émancipation. Elle suit des cours en secret car son père bigot s’y opposerait. Hors de la surveillance paternelle, Noqreh parcourt Kaboul à visage découvert. Lors d’une cérémonie immuable, elle relève son tchadri et troque ses souliers contre une paire d'escarpins. La réalisatrice filme l’enchantement qu’éprouve Noqreh à écouter la répercussion de ses talons sur le sol. Cet artifice filmique symbolise la reconquête d’une féminité longtemps entravée par les interdits. Ce n’est plus désormais une victime de la guerre, contrainte à l’errance, mais c’est une femme. C’est l’un des rares moments du long-métrage où elle marche avec un but qu’elle s’est elle même fixée.