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Le Temps du loup (c) D.R. LE TEMPS DU LOUP
de Michael Haneke
Par Romain LE VERN


SYNOPSIS : Quand Anne et sa famille arrivent dans leur maison de campagne, ils s’aperçoivent qu’elle est occupée par des étrangers. Cette confrontation n’est que le début d’un douloureux apprentissage : rien n’est plus comme avant. Ce qui commence comme une histoire de famille devient vite un drame collectif. Mais c’est aussi une légende, donc l’histoire d’un sacrifice, donc une histoire de Saint…

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L’ENFER, C’EST NOUS

  Le Temps du loup (c) D.R.

On dira ce qu’on voudra sur le réalisateur Michael Haneke, mais les mots ne sont pas assez forts pour décrire son cinéma. Que ce soit Benny’s Video (une sordide affaire où un ado obnubilé par le monde des images assassine une fille) ou La Pianiste (une superbe histoire d’amour autour de la cristallisation et des fantasmes), chacun de ses films met le spectateur dans un état second et correspond à des expériences qui consistent à évaluer le degré de tolérance du spectateur. Le Temps du Loup, autre illustration sur le thème de la violence, n’échappe pas à la règle et se révèle au fil du temps plus perturbant que ces films susdits.

L’introduction brute, violente et simple, met à rude épreuve une famille venue tranquillement passer des vacances. La situation rappelle celle de Funny Games, où des gens, arrivés dans leur maison de campagne, se retrouvent nez à nez avec de dangereux psychopathes aux gants blancs qui font une fixation nerveuse sur les œufs. Toute la tension du film se retrouve concentrée dans cet instantané de cruauté qui pose directement les thèmes du film: l’incapacité de communiquer et l’impossibilité de s’entraider.

Le Temps du loup (c) D.R.

La première partie du film montre l’errance de trois membres d’une famille qui tente de survivre et de s’aimer alors que le monde autour d’eux s’écroule. Et d’un coup, c’est le film qui passe d’un état à l’autre. Plus on avance dans la narration, plus on pense à Code Inconnu pour la structure de fresque plurielle. Ça n’en est pas pour autant moins violent. Dans Code Inconnu, Haneke mettait en scène des saynètes cruelles où la violence pouvait surgir d’une rame de métro ou d’une piscine. Cette forme de cinéma, atypique parce qu’elle s’affranchit des conventions usuelles et ne donne pas immédiatement d’entité claire, peut dérouter.

La seconde partie, plus longue, montre comment une poignée de gens venus de toute part tente de résister à cette pénurie soudaine. Dès le départ, le réalisateur nous identifie aux membres de cette famille ordinaire qui va être confronté à un événement extraordinaire: l’intrusion du fantastique et de l’horreur dans leur monde bourgeois et sans aspérités. Cette démocratisation sociale (ils doivent se rassembler avec des gens qui ne partagent pas le même niveau de classe, ni la même langue) est parfaitement montrée lors d’une scène où ce qui reste de la famille rejoint le groupe. La mère esquisse un sourire et lance un bonsoir, et se trouve sans réponses. Désarmée, elle cherche vainement à se faire comprendre auprès de gens tout aussi désarmés qu’elle face à cette situation. Mais la collectivité a pris le pas sur l’individualisme et la propriété privée. Plus personne ne possède rien. C’est la perte de soi, la perte de l’individu, des repères, la perte de tout.