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Les passages pendant lesquels les étrangers
parlent dans leur langue d’origine ne sont pas sous-titrés.
Ce choix pourrait exclure le spectateur. En réalité, même
si nous ne comprenons pas ce qu’ils disent, l’intensité de
leurs faits et gestes est telle qu’on n’a pas besoin de traduction.
Tout est sur l’écran.
Lors d’une séquence bouleversante, la famille se retrouve
face aux cambrioleurs de la scène initiale. A cet instant,
leur rage est communicative pour le spectateur qui a participé
au drame mais elle reste incompréhensible pour les gens autour
qui assistent à cet assaut de colère imprévu. Ils doivent
rester impartiaux pour préserver la « paix » au sein de la
communauté et parce qu’ils ne savent pas qui des deux groupes
racontent la vérité. Un peu comme Lars Von Trier et son Dogville,
Haneke peint dans un espace confiné la vie extrême et rude
d’êtres humains représentatifs de notre société. Et là, Haneke
nous pose la question : doit-on se méfier de l’être humain
? Quelle est la part de monstruosité enfouie en chacun de
nous ? Quel est le sens du mot civilisation ? Tous les gens
regroupés dans cet enfer clos, en attente d’un train salvateur
qui ne viendra peut-être jamais, tombent le masque des apparences
et cèdent à leurs pulsions primitives et à leurs instincts
les plus bas. La couardise, la lâcheté, le racisme, la jalousie,
la pingrerie, l’absence de compassion et de solidarité (un
homme refuse d’aider un enfant qui est sur le point de mourir)
les accusations sans preuve... Tout y passe. Et paradoxalement,
se cachent sous ces immondices et cette ambiance mortifère
et révoltante des bribes d’humanité que le cinéaste enregistre
discrètement : un rire, une larme, une chanson qui tente de
nous faire vaciller, de nous rassurer. Mais il est trop tard.
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Haneke autopsie les maux d’une société déliquescente
et filme l’inacceptable sans complaisance, avec une mise en
scène clinique qui instille à elle seule le malaise. Il constate
que ce quotidien exécrable anesthésie le cerveau et la raison
de gens comme vous et moi. C’est d’autant plus insupportable
que cette réalité est vue des yeux d’un enfant qui se trouve
face à un portrait terrifiant de l’humanité. Une scène magnifique
qui montre ce même enfant sur les rails d’un train nu face
au feu évoque le final du Sacrifice d’Andrei Tarkovski
(86). On retrouve un peu cette même démarche et ce sens de
l’abnégation chez cet Ivan. Et devant tant de méchanceté contenue,
ses pleurs sont les nôtres.
On peut tout reprocher à ce film, mais il faut être insensible
ou de très mauvaise foi pour nier la justesse et la puissance
exceptionnelle qui s’en dégage. Le Temps du Loup est
aussi une leçon sur la vie fataliste et pessimiste qui, malgré
les flammes et les lueurs, ne véhicule aucun espoir et met
nos élans humanistes à dos. C’est la fin du monde et nous
en sommes les seuls responsables, parce que c’est nous, avec
notre égoïsme, nos préjugés, notre connerie qui l’avons tué.
On sort éprouvé de la projection : ce film dérange et pose
les questions qui préoccupent précisément tout le monde. C’est
aussi pour cela qu’il tend vers l’universel et se révèle puissamment
humain. C’est tragique et bouleversant. C’est fort et c’est
indispensable.
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Titre :
Le Temps du loup
Réalisateur :
Michael Haneke
Scénariste :
Michael Haneke
Acteurs : Isabelle
Huppert , Béatrice Dalle , Patrice Chéreau, Rona
Hartner, Maurice Bénichou, Olivier Gourmet, Brigitte
Rouan, Lucas Biscombe, Hakim Taleb, Anaïs Demoustier,
Thierry Van Werveke, Serge Riaboukine, Franck
Gourlat, Daniel Duval G, Maryline Even, Florence
Loiret-Caille, Branko Samarovski, Michaël Abiteboul,
Pierre Berriau, Costel Cascaval, Luminita Gheorghiu
Directeur de la photographie
: Jürgen Jürges
Ingénieur du son :
Guillaume Sciama, Jean-Pierre Laforce
Costumière : Lisy
Christl
Maquilleur : Waldemar
Pokromski, Thi Loan Nguyen
Chef décorateur :
Christoph Kanter
Producteur exécutif :
Michael Katz
Chef monteur : Monika
Willi, Nadine Muse
Productrice : Margaret
Ménégoz, Veit Heiduschka
Exportation/Distribution internationale
: Les Films du Losange
Production : Bavaria
Film, Wega Film, Les Films du Losange
Distribution : Les
Films du Losange, France
Sortie le : 08 Octobre
2003
Durée : 1h 53mn
Année : 2002
Pays : France, Allemagne,
Autriche
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