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Il ne reste plus de ce temps que 5 ou 6
personnes vieillissantes, racontant à qui veut l’entendre
les enjeux de cette époque, et retraçant très méticuleusement
leurs réflexions et leurs actes d’alors. Leur témoignage a
cela de touchant que, quelque 30 années après, leur émotion,
leur indignation reste intacte lorsqu’il est question du conflit
au Vietnam et du sort réservé aux minorités. Ces quelques
personnes ont cela de nobles qu’elles ont éprouvé le besoin
d’agir contre une situation qu’elles estimaient profondément
injuste, en d’autres termes, elles se sont senties à ce point
responsables pour les autres, pour ce que leur nation, en
leur nom, faisaient aux autres, qu’elles ont sacrifié leur
présent, leur avenir et parfois même leur vie.
Ce documentaire est une pièce à conviction aujourd’hui très
précieuse. D’abord parce qu’elle retrace, des années 60 aux
années 80, les derniers sursauts d’un pays qui concevait son
avenir comme un destin commun (après tout, c’est la définition
que Renan donne de la nation). En l’espace de deux décennies,
le sens politique des citoyens, les idéologies, la démocratie
a fait long feu. The weather underground est la chronique
d’une lutte ultime menée contre un pouvoir manipulateur, faisant,
dans les moments les plus sensibles, preuve d’un cruel manque
de discernement (il suffit de regarder les documentaires d’Errol
Morris et surtout de William Karel et de prêter attention
à ce que dit McNamara), et n’hésitant pas à réduire au silence
les protagonistes des mouvements contestataires. Lorsque la
crise survient au début des années 1970, les jeunes Américains
n’ont plus le cœur à la protestation joyeuse. Il est temps
de rentrer dans les rangs. Certes, les Etats-Unis connaissent
ici et là des relents de contestation, mais cette contestation
ne s’exprime plus de manière organisée - elle est le fait
d’un mouvement hétérogène et dispersé qui prône l’anarchie.
Sur fond de libéralisation du marché et d’ultime raidissement
de la guerre froide (Reagan lance en 1983 le projet de bouclier
spatial), les Américains vaquent à leurs occupations. Les
utopies, lorsqu’elles réapparaissent, à l’instar du phénomène
new-age qui naît en la Californie à la même époque,
n’intéressent que l’individu, appelé à recomposer dans sa
sphère particulière un monde à son image. De même dans la
littérature, il n’est plus question que du jeune individu
aux prises avec ses propres problèmes (voir Moins que zéro
d’Ellis) littéralement a-politique, ou qui n’adopte une posture
critique vis-à-vis de la société que pour mieux s’en désolidariser
et s’en extraire (comme le fait le protagoniste de Génération
X).
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En filmant ces personnes (qui relèvent en
réalité davantage de personnages tant ils sont charismatiques
et intransigeants) de face et immobiles, Sam Green et Bill
Siegel font le pari de laisser affleurer à même l’image le
sens et l’émotion (en réalité, il s’agit d’une seule et même
chose) que celle-ci renferme. Les weathermen ne sont
plus, et pourtant il reste en eux quelque chose qui dira toujours
non, qui sans cesse fera bloc contre ce qu’ils jugent injuste
et contre lequel pourtant ils ne peuvent plus rien. Cette
posture immobile qu’ils adoptent dans le film, c’est le principe
de l’être et son impuissance, l’impossibilité qu’a désormais
l’homme de faire prévaloir dans la communauté un sens
- son sens, parce que la structure l’emportera toujours sur
elle. Il faut imaginer les weathermen et leurs héritiers,
non pas heureux, mais opiniâtres.
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Titre :
The Weather Underground
Réalisateur, producteur,
monteur :
Sam Green
Monteur :
Dawn Logsdon
Directeurs photo :
Andrew Black et Frederico Salsano
Mixage : David
Westby
ssistant-monteur :
Angela Reginato
Musique originale :
Dave Cerf, Amy Dmoingues
Festival : Prix
de la Critique au Festival de Locarno 2003, Golden
Gate award et prix du meilleur documentaire au
San Francisco Film Festival 2003, Prix du meilleur
documentaire au Seattle Film Festival 2003, Prix
de l’audience au Washington DC Film Festival 2003
Co-réalisateur et producteur :
DBill Siegel
Producteurs délégués :
Christian Ettinger, Mary Harron et Sue
Ellen McCann
Producteurs exécutifs :
Carrie Lozano et Marc Smolowitz
Sortie : 27 avril
2005
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