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Sweetie (c) D.R. SWEETIE
de Jane Campion
Par Hélène ZEMMOUR


SYNOPSIS : Kay est une femme engluée dans son passé et tourmentée par un futur qui lui échappe et qu’elle aimerait régenter. Mal à l’aise dans le couple angoissant qu’elle forme avec Louis, Kay s’enterre jusqu’au jour où sa sœur aînée attardée mentale - sorte de princesse ratée qui cherche à attirer l’attention sur elle - ressurgit sans prévenir dans sa vie, comme un pavé dans la mare. Une mauvaise herbe qui se répand et engloutit son territoire pour l’empêcher d’être. Deux mondes se font face dans cette histoire douce-amère, l’innocence de la folie douce et le désespoir de l’incapacité à exister.

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UN CINEMA SPIRITUEL

  Sweetie (c) D.R.

Le monde de Kay, en qui on retrouve certains traits de Jane Campion, flirte avec l’onirisme et la spiritualité : la cinéaste dépeint avec grâce un être fragile, une femme paumée qui se rattache aux rituels magiques de son enfance, et trouve en la figure de l’arbre l’objet qui stigmatise sa douleur et ses difficultés à prendre racine en ce monde. Dame nature n’a jamais bien fait les choses pour la famille de Kay: entre un père qui se retrouve abandonné et le grain de folie de la soeur, Kay ne fait confiance au destin que dans la mesure où elle peut le contrôler par la seule force de son inconscient. Pour sceller leur couple naissant, mais pour lequel la sexualité et la libido ne sont plus que de vains souvenirs, Kay et Louis plantent un sureau au milieu de la cour bétonnée. Ses racines feront se fendre le ciment, et l’arbre fera naître ses branches, ses tiges et ses feuilles. L’angoisse est telle que la jeune femme préfère l’arracher pour ne pas risquer de le voir dépérir, et symboliser la mort de leur couple. La métaphore filée du végétal, thème que Jane Campion utilise pour incarner les évolutions mentales des personnages – tantôt la folie, tantôt les ombres, le doute ou la force – fait de la nature un élément imprévisible, capable du meilleur comme du pire.

Et puis le monde de Kay se craquelle. Il implose dans toute sa laideur avec l’entrée de Dawn, alias Sweetie, femme mi-porc mi-bébé, qui fait passer tous ses désirs pour des ordres. La plus faible des sœurs a toujours bénéficié de l’aura protectrice du père qui refoule sa différence et voit en elle une artiste au talent méconnu. Le ridicule du personnage, admirablement joué par Genevieve Lemon, atteint son paroxysme lorsque, face à ses échecs à vivre normalement, à « y arriver », la régression à l’état sauvage la pousse à se retrancher dans son arbre cabane, nue, aux yeux de tout le voisinage. La petite famille bourgeoise tâche d’étouffer sa monstruosité, quand Kay souhaiterait exprimer dans un cri libérateur la folie de sa sœur qu’elle qualifie d’être « maléfique ».