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Pas de repos pour les braves (c) D.R. PAS DE REPOS
POUR LES BRAVES

d'Alain Guiraudie
Par Saad CHAKALI
à Lyon, le 17 novembre 2003


SYNOPSIS : D'abord, il y a Basile Matin, un jeune gars qui a rêvé de Faftao-Laoupo, le symbole de l'avant dernier sommeil... Maintenant, il sait que s'il dort encore, il va mourir et le problème, c'est qu'à son âge, on aimerait bien avoir toute la vie devant soi. Ensuite, il y a Igor, un autre jeune gars qui travaille un peu et fait également des études... Mais il n'a pas d'argent et il s'ennuie. Alors l'histoire de Basile, même s'il n'y comprend pas grand chose, l'intéresse diablement. Enfin, il y a Johnny Got. Un peu journaliste bénévole, un peu détective et pas mal voyou, il s'intéresse beaucoup aux histoires qui ne le regardent pas... Et celle de Basile le passionne...

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QUAND A L’EFFORT SUCCEDE LE (RE) CONFORT

(contrepoint critique ou réponse polémique - surtout pour de rire – a l’analyse de Cécile Giraud qui pourtant ne m’avait rien fait !)

Du moyen métrage Du Soleil pour les Gueux en 1999 au long Pas de Repos pour les Braves aujourd’hui, ce qui a changé, ce n’est pas seulement la longueur du métrage bien sûr, ni que les gueux soient (devenus, mieux, enfin reconnus comme ce qu’ils n’ont jamais cessé d’être, à savoir) des braves dont le repos ne connaît aucun bain de soleil amollissant. Ce qui a changé, c’est le paysage guiraudien : avant on ignorait son existence sur la carte du cinéma ; maintenant que l’on pensait découvrir de nouvelles régions, on nous fait en fait (un peu, beaucoup) le coup du tour opérateur en terrain conquis.

  Alain Guiraudie (c) D.R.

Le « processus d’individuation » (Gilbert Simondon) qu’Alain Guiraudie met en branle dans son nouveau (et très attendu) film avec le personnage du jeune Basile Matin avec une énergie et une conviction certaines n’a pas pour seules finalités de déconstruire la linéarité narrative habituelle ni de jouer avec les conventions amidonnées de quelque film de genre que ce soit. Il ne s’agit pas ici de sous-estimer le ludisme affiché et insolent avec lequel le cinéaste se lance à l’assaut d’une certaine idée du cinéma français (comme du cinéma tout court) afin de permettre de lui ouvrir des accès inconnus jusqu’alors, d’en dynamiser en conséquence la mécanique, d’en ventiler le plus de possibles… possibles ! Evoquer les noms des cinéastes Jean-Luc Godard, Luis Buñuel, Luc Moullet ou F.J. Ossang, des écrivains Raymond Queneau, Boris Vian, Albert Cohen, Lewis Carroll est juste mais insuffisant pour rendre compte à la fois de la singularité du film de Guiraudie comme des limites inhérentes à sa présente entreprise filmique.

Il s’agit de comprendre pourquoi la virtuosité du film semble marquer le pas d’une volonté artistique qui ne sort pas de la clairière, certes touffue, d’un imaginaire adolescent inventif mais en recul réel par rapport au puissamment transgressif et politique Ce vieux rêve qui bouge en 2001. Le problème de Pas de Repos pour les Braves, qui affirme moins à l’instar des œuvres précédentes qu’il confirme seulement un potentiel cinématographique réel, est d’être une œuvre moyenne. Très exactement le moyen terme, à moyenne distance entre la pure mythologie inventée dans le court métrage La Force des Choses (1996) et Du Soleil pour les gueux d’un côté et, de l’autre, du complet réinvestissement d’un lieu (commun) complètement désaffecté (l’usine couplée au désir des ouvriers de Ce vieux rêve qui bouge) au sens propre comme au sens figuré.