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C’est précisément ce temps qui imprègne
le deuxième film de Matt Dray, qui a choisi d’habiter définitivement
le pays de la mélancolie. Certains diront à juste titre
que 20 Novembre est un film d’une noirceur incommensurable,
d’un pessimisme dérangeant. On parlera en ce qui nous concerne
de lucidité terrifiante. La seule qui paradoxalement nous
préserve des réalités difficiles. Elle s’accompagne d’une
tendresse à l’état brut, à l’instar de cette scène où Matthias
montre à sa sœur comment il taillait autrefois la barbe
de Michel.
20 Novembre est ce qu’on appelle une œuvre de passage.
D’abord pour son réalisateur, dont on sent bien qu’il atteint
la maturité artistique nécessaire à la réalisation d’un
premier long métrage, puis par ce que le film raconte. Matérialisé
par ce long couloir qui mène à la chambre de la mère, délimité
temporellement par la transition d’un jour à un autre, le
thème du passage (entre la vie et la mort, entre le passé
et le présent, entre la réalité et les rêves) hante effectivement
20 Novembre. Inscrit à l’origine dans une veine clairement
naturaliste (en témoigne la scène très réussie du dîner
familial qui tourne mal), le film prend des accents fantastiques
avec un long plan-séquence final porté par la musique magnifique
d’Armen Bedrossian : ce n’est seulement au cours de
cette dernière partie que l’on voit le visage de la mère,
figure centrale du film. On entend auparavant sa voix spectrale,
comme venue d’un au-delà si loin, si proche. Mais on ne
la voit pas. Vit-elle encore cette mère que Matthias est
revenu voir, ou est-elle déjà morte ? Et si oui, depuis
quand ? Matthias serait-il un ange de la mort ?
Sa disparition dans la blancheur d’une lumière incandescente
permet d’entretenir le doute sur son passage dans la maison.
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La distribution, réfléchie, joue
la carte de la différence entre des acteurs “ terriens ”
(tels que Sylvain Gillet (Thierry, le mari d’Isabelle),
Géraud Andrieux (un copain vigneron de Thierry), Liza Braconnier
(la mère de Thierry), ou encore Laurence Grave (impressionnante
dans ce mélange de dureté et de fragilité qui caractérise
le personnage d’Isabelle, jeune femme blessée), l’interprétation
sur le fil d’Albin Brassart (jouant avec justesse et “ terrible
humanité ” le rôle de Michel) et un acteur “aérien ”
(le rôle imposait la présence d’un comédien “ en décalage ”)
Dimitri Storoge, littéralement habité par Matthias,
ses silences, son écoute, son malaise, ses inquiétudes.
À se souvenir du garçon surexcité qu’il interprétait dans
Ni pour ni contre (bien au contraire) de Cédric Klapisch,
il est permis d’affirmer aujourd’hui que ce comédien a une
marge de manœuvre illimitée dans l’appréhension de ses rôles.
Qu’on se le dise une bonne fois pour toutes.
Voilà donc comment existe aujourd’hui 20 Novembre,
qui ne sera plus jamais une date comme les autres, mais
définitivement un film court et dense qui aura marqué nos
mémoires.
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Titre : 20
Novembre
Scénariste et
réalisateur
: Matt Dray
Producteurs
: Ron Dyens et Jérôme Yermia
Acteurs :
Dimitri Storoge (Matthias), Laurence Grave (Isabelle),
Albin Brassart (Michel), Sylvain Gillet (Thierry),
Géraud Andrieux (le vigneron), Liza Braconnier
(mère de Thierry), Claudette Walker (mère)
Image :
Thomas Faverjon
Son :
Fred Dabo
Musique :
Armen Bedrossian
Montage Image :
Jérôme Yermia
Montage son :
Olivier Dandré
Mixage :
Williams Schmitt
Directeur de production :
Aurélia Prévieu
Assistante de production :
Vanessa Degaugue
Production
: Sacrebleu Productions
Avec le soutien du :
CNC, de la région Poitou-Charentes et du département
des Charentes
Durée
: 27 minutes
Pays :
France
Année :
2003
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