 |
|
|
|
La complexité de ce personnage central
qu'est le grand-père renvoie à un scénario qui ne fait pas
dans le simplisme. Le scénariste Karl-Heinz Käfer développe
une histoire refusant toute démarche moralisatrice. Les
réactions de chacun des protagonistes face à la dégénérescence
du grand-père ne sont pas interprétées de manière positive
ou négative. Mon Père montre que placer l'un de ses
géniteurs dans une institution spécialisée n'est pas un
acte de grande bravoure, mais il suggère parallèlement que
le garder à domicile n'est guère plus intelligent. Le film
d'Andreas Kleinert met ainsi le doigt sur une question fondamentale
: placer un membre de sa famille en maison de retraite tranche
avec un mode de vie plus ancien où les personnes âgées restaient
dans le cercle familial jusqu'à leur décès, mais est-ce
pour autant la marque d'un égoïsme forcené, d'une société
à l'individualisation galopante ?
Mon Père distille l'impression que ce rapport de
cause à effet n'est pas forcément exact. Les jeunes générations
ont droit au bonheur, et la présence d'un désaxé - tout
père qu'il soit - à domicile ne peut que nuire à leur épanouissement.
D'autant plus que les vieilles personnes - notamment celles
atteintes d'Alzheimer - requièrent une attention et des
soins qu'il vaut peut-être mieux confier à des professionnels.
Le choix à faire revient donc à sa propre notion des priorités.
Et aucun cas, il ne faut critiquer telle ou telle famille
pour avoir pris l'une ou l'autre solution. Dans ces temps
où il fait bon avoir un avis sur tout, et où il fait encore
meilleur de le donner le plus de fois possible sur tous
les supports médiatiques existants, l'expression d'un doute
sur la bonne conduite à adopter réjouit les neurones. Mine
de rien, en une heure et demie, Mon Père arrive à
interroger avec virulence le rapport à l'existence de nos
sociétés occidentales.
|
 |
|
|
Bourré de qualités, le film d'Andreas
Kleinert n'en possède pas moins quelques défauts. En particulier,
au niveau de la réalisation qui fait très téléfilm de deuxième
partie de soirée sur Arte (ne serait-ce pas là un mal endémique
chez les réalisateurs germaniques contemporains qui pour
beaucoup ont fourbi leurs armes sur le petit écran ?). Les
plans sont très scolaires, avec un cadre bien précis, une
lumière positionnée mathématiquement et non esthétiquement.
Dommage, car quand Andreas Kleinert choisit de pousser sa
réalisation hors du conventionnel, il obtient de très bons
résultats. Ainsi, sa mise en scène d'une décrépitude de
la maison comme symbolique de l'éclatement de la cellule
familiale est très juste. Et aurait peut-être dû d'ailleurs
être plus développée. Mon Père, un bon film donc,
plus pour une thématique très bien traitée que pour sa réalisation.
 |
|
 |
|
Titre : Mon père
Réalisateur : Andreas
Kleinert
Scénario : Karl-Heinz
Käfer
Acteurs : Götz George,
Klaus J. Behrendt, Ulrike Krumbiegel, Sergej Moya,
Christine Schorn
Direction de la photographie
: Johann Feindt
Production : Sonja Goslicki
Compagnie de production
: Colonia Media
Format : 35 mm, couleur
Durée : 90 min
Année : 2003
|
|