ROSENSTRASSE de Margarethe von Trotta
ARARAT d'Atom Egoyan
Par
Nicolas JOURNET
SYNOPSIS – Rosenstrasse :À New
York, de nos jours. La famille Weinstein se réunit pour célébrer
les obsèques du père. Son épouse Ruth tient à observer les règles
orthodoxes juives du deuil suscitant l'incompréhension d'Hannah,
sa fille. Une cousine de Ruth, jusqu'alors inconnue d'Hannah,
se présente lors des funérailles. Elle raconte à Hannah le passé
de sa mère, comment cette dernière a été sauvée de la déportation
en 1943 par une femme nommée Lena Fischer.
SYNOPSIS – Ararat :Un artiste
tente de peindre le portrait de sa mère. Un metteur en scène
veut réaliser le plus grand film de sa carrière. Un jeune homme
est arrêté à la douane américaine. Une jeune femme veut comprendre
les circonstances de la mort de son père. Une conférencière
se noie dans la grande Histoire pour oublier la sienne. Un acteur
endosse le rôle d'un méchant sans en mesurer les conséquences.
Une seule chose les réunit : l'Arménie.
Atom Egoyan et Margarethe von Trotta
ont un point commun : ils aiment leur patrie. L'Arménie
pour le premier, l'Allemagne pour la seconde. Comme tout
bon patriote, ces deux cinéastes se sont intéressés à l'histoire
de leur pays chéri et ont décidé d'en tirer chacun de son
côté un long-métrage. Et pas sur n'importe quelle période,
sur la pire connue par leurs pays respectifs. Ainsi, Margarethe
von Trotta a choisi de revenir sur la Seconde guerre mondiale,
tandis qu'Atom Egoyan traite du génocide arménien commis
par l'armée turque en 1915. Ce qui est absolument fascinant,
c'est que, sans vraisemblablement se concerter, ces deux
réalisateurs, d'une génération différente, avec des sujets
qui présentent certes des similitudes mais qui renvoient
à des problématiques propres, ont abouti à deux films quasi
identiques.
Dans leur construction scénaristique tout d'abord. Les deux
récits débutent aux États-Unis, dans deux diasporas. Arménienne
pour Ararat, juive allemande pour Rosenstrasse.
Les deux films se concentrent sur une famille expatriée,
une famille en deuil. Dans Ararat, c'est la figure
manquante du père qui fait problème depuis des années. La
mère a dû mal à passer à autre chose, voudrait bien refaire
sa vie, mais s'en garde bien par culpabilité vis-à-vis du
décédé. À l'inverse, la fille rejette ce paternel dont
l'activité terroriste et l'assassinat d'un diplomate turc
qu'il a commis dans les années 70 fait plus office de fardeau
que de fierté. Son petit ami est intrigué par cette histoire,
qui est un peu la sienne puisqu'il est aussi arménien, et
voudrait en savoir plus. Dans Rosenstrasse, c'est
aussi le père qui a disparu. Mais la dramaturgie ne se construit
pas autour de sa personnalité, mais plutôt à partir du climat
qui entoure son enterrement, avec la crise mystique de la
mère et la présence d'une tante inconnue qui fait des révélations
pour le moins surprenantes sur le passé de la mater familias.