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Rosenstrasse (c) D.R.

Dans ces deux films, et voilà qui les rapproche encore, il y a donc une volonté démonstrative très claire. “ Regardez bien, j'ai quelque chose à vous dire ! ” semblent nous souffler à l'oreille les deux réalisateurs. Et pourtant, ils ratent tous deux leur cible de manière magistrale. Avec Ararat, Atom Egoyan ne fait que jeter de l'huile sur un feu qui couve depuis bientôt... quatre-vingt-dix ans. “ Les Turcs sont méchants et fourbes ”, voilà l'idée que transmet son film aux spectateurs. Du moins à ceux qui n'ont pas choisi leur camp avant de rentrer dans la salle. Il n'est encore une fois pas question de nier le génocide arménien. Juste de signaler qu'Ararat ne donne aucune vision de l'avenir, aucune base possible à la réconciliation. Il ne fait que remuer les cendres de la haine, insinuant - à l'aide de plusieurs artifices de mise en scène visant à minimiser ses arguments (insistance sur des plants de haschich poussant dans son appartement...) - que la fille du terroriste défunt est bien ingrate à dénigrer son héros de père. Mais, c'est un terroriste qui a tué un diplomate turc près de soixante ans après le génocide ! Quel courage !

Pour Rosenstrasse, le problème est différent. Le scénario est moins biaisé que pour Ararat. Margarethe von Trotta suit une thèse, mais avec une plus grande solidité narrative et psychologique ce qui donne une certaine force à son propos. Seulement, il s'en dégage aussi une impression tout aussi étrange. Les femmes glorifiées pendant deux heures ne réagissent que par intérêt personnel, par amour. Ceux qu'elles défendent sont leurs maris, pas des inconnus. Ce ne sont pas des résistantes à proprement parler. Elles ne se battent pas pour une cause, mais pour faire réclamer le respect d'une loi qui ne touche certes pas les juifs mariés à des allemandes mais en condamne tant d'autres. Ces femmes ressemblent au frère de l'héroïne - hallucinant Jürgen Vogel comme toujours -, lieutenant-colonel de la Wehrmacht blessé sur le front russe qui dit ne pas aimer les nazis, mais qui participe au fonctionnement du régime. Une fois, leur combat terminé, une fois leurs maris libérés, elles retournent chez elles. Abandonnant à leur sort des juifs qui n'avaient pas eu la chance d'épouser un aryen ou une aryenne. D'ailleurs, même si on sent que ce n'est pas son angle, la réalisatrice allemande glisse cette information dans un plan de rue désertée assez dramatique.

  Rosenstrasse (c) D.R.

Globalement, Margarethe von Trotta dresse un portrait assez positif d'une société civile qui s'est aplatie devant Hitler, quand elle n'a pas voté pour lui en 1933, et qui s'est dressée, du moins une petite minorité, pour un problème extrêmement particulier. D'accord, Rosenstrasse détient des qualités cinématographiques indéniables. Notamment dans une interprétation remarquable, à part Maria Schrader qui joue très faux. Et puis, le film de Margarethe von Trotta lance un débat intéressant, ce qui change des films vite vus, vite oubliés qui se succèdent sur les écrans. La problématique est donc différente d'un Ararat, qui est surtout un concentré de haine. Mais tout comme Atom Egoyan, Margarethe von Trotta pense à notre place, nous livre un récit avec sa grille de lecture. Ce n'est pas un film, c'est une démonstration historique. Mais est-ce que le cinéma n'est pas l'art où l'on doit ne surtout pas imposer un point de vue, mais plutôt donner à penser et laisser à chacun la mesure de faire sa propre interprétation ? En choisissant une démarche inverse, Atom Egoyan et Margaret von Trotta voient leurs thèses se retourner contre eux. Leur propos est si appuyé qu'il en devient plus - Ararat - ou moins - Rosenstrasse - douteux.



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Titre
 : Rosenstrasse
Réalisateur : Margaret von Trotta
Scénario : Pamela Katz, Margareth von Trotta
Direction de la photographie : Franz Rath
Montage : Corinne Dietz
Musique : Loek Dikker
Décors : Heike Bauersfeld
Production : Richard Schöps, Henrik Meyer, Markus Zimmer
Acteurs : Katja Riemann, Maria Schrader, Martin Feifel, Jürgen Vogel, Jutta Lämpe, Doris Schade, Fedja von Huët
Format : 35 mm, couleur
Durée : 2 h 10
Année : 2003