SYNOPSIS
: Rachel, 15 ans, est amoureuse d’Hervé, un jeune lycéen qui
ne vit pas dans son quartier. L’escalier de son immeuble devient
leur lieu de rencontre où ils se retrouvent, s’embrassent, et
se découvrent. Cachés, entre les étages et les recoins, ils
deviennent des voyeurs privilégiés des récits de vies des voisins.
Gardienne et ménagère pour tous les voisins, elle cache sa situation
sociale à son jeune amoureux. Une nuit, Hervé lui propose de
partir pour la Normandie. Elle accepte de sauter le pas et se
retrouvera toute seule à l’attendre la nuit, au bord des marches. |
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UNE PORTE DOIT RESTER
OUVERTE OU FERMEE
Frédéric Mermoud avec L’Escalier
nous offre à vivre, par petites touches délicates, ces émois
premiers de l’amour, de ce premier pas charnel qui ne peut
se vivre ni sous le toit des parents (ou alors par effraction,
par mensonge comme pour la sœur de Rachel ou sa voisine),
ni sous celui du romantisme littéraire (Hervé, jeune Werther
lâche, ne lit que les premières pages de Proust et de Nietzsche).
Coincés entre le hall d’entrée et les portes closes des appartements
de l’immeuble, Rachel et Hervé sont littéralement entre les
étages de leur vie, dans cet espace de circulation des corps,
entre l’extérieur et l’intérieur, corps touchés, corps à aimer,
corps à prendre et s’éprendre, avec cette angoisse du comment
faire ? L’Escalier, paradoxalement, est un film
de portes où ce qui s’y joue se devine dans l’entrebâillement,
de ce secret derrière la porte, entre les mots qui s’échangent
ou s’arrachent, porte interdite, porte à franchir. Métaphore
sexuelle ou plus précisément incarnation matérielle du désir,
telle qu’elle fut brillamment mise en scène par Lubitsch,
la porte (elles sont nombreuses ici) qui s’ouvre et se referme
fonctionne à la fois comme agent dramatique (cela donne toujours
une information sur le personnage, du prof à la copine, de
la sœur à la mère) et comme pulsion scopique pour le spectateur,
mis en attente de voir une porte se refermer sur Hervé et
Rachel. De fait, tout l’enjeu du film pourrait se résumer
à cette attente du plan qui ne viendra jamais : nos deux
héros ouvrent une porte (d’une chambre) et la referme sur
nous. Or L’escalier ne nous satisfera pas sur ce mode
convenu de la satisfaction comblée, du programme d’amour exécuté
comme on ferait son travail. Cela coince. Hervé n’arrivera
pas à sortir de son rôle convenu d’amoureux romantique, il
tombe, évacué des marches (ce sera par téléphone qu’il dira
sa lâcheté) et Rachel aura à raconter une histoire extraordinaire,
comblant le rien et le vide par des mots comme sortis d’un
livre. Une histoire de cinéma, entre réalité et simulacre,
le mot et l’image. Quelque chose de grave et de léger.
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