Comme pour mieux signaler la vacuité
de son historiette, le film s’échappe souvent dans le fantasme,
la rêverie : Amélie Poulain et ses échappées oniriques
sont passées par là. Mais parfois, le lyrisme déceptif qui
constitue l’ingrédient de beaucoup de romances actuelles se
colore d’une amertume, d’une cruauté envers ces personnages
falots à qui il ne reste que le rêve pour affronter la réalité.
Une forme de cynisme urbain, où la vie ne se pense que dans
le compromis avec la dépression et l’envie de suicide, ressurgit
ainsi sans crier gare au milieu de la bluette. Les éruptions
morbides qui parsèment le film, et qui rendent la littéralité
visuelle de la rêverie à la mélancolie auquel elle appartiennent
(fi des kitscheries jeunettiennes), attisent une sorte de
frustration de réalité sciemment entretenue. Les trouées de
macabre opèrent comme révélateur du vieux fond noir dans lequel
baigne les personnages : marquée par la mort, cette histoire
d’amour est d’avance condamnée, et la joie y apparaît toujours
teintée de tristesse.
Dès lors, Last Life in the Universe
se conclut sur une tonalité incertaine, presque moqueuse,
envers ses ectoplasmes de héros. Et soudain, c’est le souvenir
inattendu du final de Brazil qui fait surface, mais
un Brazil où les pressions totalitaires ne se manifestent
plus visiblement, mais ont été intégrées par les individus.
Ce détour qui a le mérite de sa franchise signale l’ambition
du film, et ses limites : car faire une histoire d’amour
sans croire à la toute puissance de la joie - par soi disante
« lucidité », ou exigence d’expiation - est le
plus grand tort de ce projet, un tort malheureusement bien
partagé dans notre temps où le désir, exaltant et aventureux,
ne se pensent qu’avec nostalgie.