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La tension monte progressivement
avant d’exploser à deux reprises, disons quatre, sans compter
les deux rixes, si l’on implique le début plutôt brut de
décoffrage (c’est le cas de le dire) et le flash-back.
En effet, Le Convoyeur ne se contente pas d’aligner
les scènes d’action et de violence, comme pouvait le laisser
penser l’un des premiers teasers montés sur de la
techno assourdissante. Boukhrief préfère un suspense
allant crescendo. Si les rapports sont parfois glaciaux,
l’émotion n’est pas en reste. Elle émerge par à-coups, dans
les scènes dramatiques se concentrant sur l’histoire et
le comportement du « héros » incarné par Albert
Dupontel. Il compose un homme difficile à cerner, au regard
presque noir de jais, variant peu les mimiques, perdu dans
un univers qu’il ne semble pas connaître, s’appliquant dans
la discrétion, entre timidité maladive et autisme léger.
Peu loquace, son attitude même n’a pas de cohérence, entre
cette propension à sortir son revolver pour un rien et sa
curiosité quant aux itinéraires risqués d’un côté, son inexpérience
dans le maniement de l’arme et ses crises de tétanie de
l’autre. Est-ce un flic ? Un braqueur infiltré ?
Un citoyen soumis excédé par l’incivilité dont il était
victime ? Un solitaire épileptique qui veut se construire
une légende de justicier ?... On pourra regretter que
la réponse à ces questions arrive un peu tôt au cours du
film. Elle aurait peut-être gagné à n’être totalement révélée
qu’à la fin. Mais l’intrigue ne concerne pas seulement les
origines de Demarre. Les autres protagonistes ont chacun
un profil différent. Jean Dujardin réussit à être crédible
dans son rôle, même si certains ne pourront pas s’empêcher
de penser à son personnage d’Un gars, une fille,
la sitcom de France 2. François Berléand est inquiétant,
agressif, pétant les plombs pour un rien. Claude Perron
compose un parfait personnage de garçonne au tempérament
de PFAT (3) mais au grand cœur, qui ne tarde pas à s’amouracher
d’Alexandre… Les interrogations légitimes de certains des
employés de Vigilante sur les coïncidences de ces braquages,
les soupçons quant à l’éventuelle présence d’un ou plusieurs
complice(s) des braqueurs au sein de la boîte, la menace
du rachat par les « Ricains » sont autant d’éléments
obscurs qui parsèment l’intrigue.
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L’aspect formel, évoqué au début
de l’article, est aussi un des points forts du Convoyeur.
Les couleurs foncées déjà citées sont une constante tout
au long du film, à laquelle viennent se mêler le blanc et
le jaune des effets pyrotechniques, des étincelles et des
grenades éblouissantes comme le rouge de l’hémoglobine,
de la veste de service d’Isabelle (Aure Atika), des alarmes
et des visées lasers. Les coups de feu sont secs et plutôt
réalistes, évitant l’hyperbolisme et la surenchère sonores
de certains films d’action hollywoodiens, même si la violence
y est graphique : véhicule brûlé par un tir de bazooka
vu brièvement de l’intérieur, coups à mains nues qui font
systématiquement couler le sang, cadavre coincé entre deux
fourgons, banc de vestiaire et bourse utilisés comme gourdins,
truand brûlé par sa propre flash bang… On pense au
Nid de guêpes de Florent Emilio-Siri (2002), notamment
à travers l’anonymat des hommes cagoulés à l’équipement
high-tech et les
situations en huis clos. Ici comme dans le film précité,
les unités de lieux ne sont pas nombreuses. Boukhrief peut
à la fois jongler entre une mise en scène parfois spectaculaire
et une brutalité tout aussi physique que psychologique –
comme les blessures d’Alex en somme. En effet, même si Le
Convoyeur offre quelques gros effets visuels et moments
de bravoure jouissifs, ce n’est pas un pop-corn movie
à la complaisance primaire.