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De la même manière, on ne change
pas ses habitudes. La famille Aso perpétue toujours autant
la fabrication artisanale de l’encre de Chine depuis des
générations. On va faire réparer ses chaussures chez le
cordonnier car on prépare comme chaque année la fête de
Basara qui fera par ailleurs l’objet d’une séquence somptueuse
dans laquelle la musique, la chorégraphie et les chants
s’apparentent à des incantations propices à exorciser un
mal… Naomi Kawase égrène les scènes du quotidien sans jamais
faire preuve d’une once de brutalité. Au contraire, sa mise
en scène flottante traque la poésie des moments simples
qui constituent l’architecture de toute une vie. Mais malgré
ce train-train quotidien, il y a toujours des scènes, des
instants qui éclipsent ces moments de gaieté. Par exemple
une séquence où Yu et Shun se retrouvent seuls, côte à côte,
va finalement les faire s’embrasser sous le désir de la
jeune fille. Mais entre eux rien ne se passe, aucun des
deux ne réagit, et le statisme de la caméra fait poindre
qu’il y a bel et bien quelque chose d’éteint en eux. S’agissant
de Yu, on apprendra plus tard la vérité sur sa naissance
tandis que Shun découvrira ce qu’il est advenu de son frère
jumeau.
Ce double mouvement qui tout en évitant l’obscénité et l’impudeur
révèle des fêlures au sein de certains personnages est la
conséquence d’une mise en scène à la fois proche et distante.
Proche car la caméra de la cinéaste est souvent près des
corps, des visages, les accompagne et nous fait partager
l’intimité de leurs vies respectives. Distante car comme
il est écrit plus haut s’agissant de la scène où les deux
frères jumeaux se poursuivent, la caméra effectuait un mouvement
similaire, comme s’il y avait une troisième personne. Ainsi
par moments, on a l’impression que la scène est perçue d’un
point de vue extérieur (à cet égard notons l’étrange ressemblance
des séquences filmées de dos entre le film de Naomi Kawase
et Elephant de Gus Van Sant), suivant les personnages
au gré de leurs intentions, montrant à l’occasion le contre-champ
d’un regard que le spectateur serait incapable de voir,
mais ignorant tout de ce qui se passe dans la tête des personnages.
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Ainsi le film s’achève sur la mise
au monde d’un enfant, la mère de Shun accouche d’un garçon.
La vie fait à nouveau surface et vient effacer la disparition
de Kei. La scène du début fait alors aussi son apparition
comme la réminiscence d’une peine enfouie qui va pouvoir
enfin être soignée. De cet accouchement, la caméra opère
un lent travelling arrière pour peu à peu quitter la demeure
de la famille Aso, puis s’élever au-dessus de la ville jusqu’à
pourvoir observer une grande partie de la ville de Sara.
Ce long plan semble tellement être animé par des forces
humaines qu’il ne peut s’agir que de Kei, qui maintenant
qu’il a fait l’objet d’un deuil, peut désormais rejoindre
les dieux, rejoindre les cieux.
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Titre
: Shara
Réalisatrice :
Naomi Kawase
Scénariste :
Naomi Kawase
Acteurs
: Kohei Fukunaga Yuka Hyodo Naomi Kawase Kanako
Higuchi
Compositeur :
UA
Ingénieur du son :
Eiji Mori
Costumier :
Miwako Kobayashi
Producteur :
Yoshiya Nagasawa
Exportation/Distribution
internationale :
FPI
Production :
Nikkatsu Corporation, Yomiuri Television,
Distribution :
Pyramide
Sortie :
31 mars 2004
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